Mamadou Makadji – Me Mamadou Ismaila KONATE http://www.mamadoukonate.com Blog officiel de l'Avocat Sat, 31 May 2025 18:04:49 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.26 Du glaive au droit : plaidoyer contre la confiscation militaire du pouvoir en Afrique http://www.mamadoukonate.com/2025/05/31/du-glaive-au-droit-plaidoyer-contre-la-confiscation-militaire-du-pouvoir-en-afrique/ http://www.mamadoukonate.com/2025/05/31/du-glaive-au-droit-plaidoyer-contre-la-confiscation-militaire-du-pouvoir-en-afrique/#respond Sat, 31 May 2025 18:03:32 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3206

Mamadou Ismaïla KONATÉ
Avocat à la Cour
Barreaux du Mali et de Paris
Ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice

Quelle que soit la longueur de la nuit, le soleil finit par se lever.

Cette parole de Seydou Badian Kouyaté est une boussole pour les peuples d’Afrique, confrontés aux usurpations répétées du pouvoir d’État. Elle nous enseigne que, quelle que soit la violence de l’ombre, le jour finit toujours par triompher.

À ceux qui, aujourd’hui, prétendent incarner l’ordre en s’imposant par la force des armes, il faut dire ceci : le pouvoir d’État ne se conquiert pas dans la fureur des casernes. Il ne se détient pas par intimidation, ni ne s’exerce par effraction. Car les lois de nos nations, les règlements de nos armées, et les constitutions africaines elles-mêmes, interdisent formellement aux forces armées d’exercer le pouvoir politique.

Le militaire n’est ni souverain ni arbitre. Il est serviteur. Serviteur de la nation, et subordonné à l’autorité civile légitime. Le rôle de l’armée est de défendre le territoire, non de gouverner les consciences. L’armée ne fonde pas la République ; elle la protège, sous l’autorité du droit.

C’est pourquoi le peuple bamanan enseigne avec sagesse :

« On ne confie jamais à la même personne la chefferie du village et celle des esprits (n’ko n’ko bɛ̀ ma fò dòn kɔ̂). »

Dans cette parole ancienne se cache une vérité toujours d’actualité. La chefferie du village désigne le pouvoir temporel, politique ; la chefferie des esprits, quant à elle, concerne le domaine sacré des boli, ces puissances invisibles qui fondent l’ordre spirituel. Réunir ces deux autorités entre les mains d’un seul homme constitue une rupture grave de l’équilibre social et cosmique. Transposé dans notre époque, ce proverbe rappelle avec force qu’on ne peut être à la fois détenteur de l’épée et source de légitimité politique. Le soldat qui gouverne trahit sa mission, tout comme le politique qui manipule le sacré trahit le peuple.

« Le fusil peut tuer le roi, mais il ne sait pas gouverner le royaume », dit un autre proverbe africain.

Le pouvoir ne s’improvise pas : il se légitime. Il ne s’impose pas : il se mérite. L’exercice de l’autorité d’État, en démocratie, procède exclusivement du peuple et s’exerce dans le cadre fixé par la loi.

Il faut aussi le rappeler à ceux qui, au nom de leur famille, de leur communauté, de leur ethnie, de leur confession ou de leur région, applaudissent la prise du pouvoir par la force en espérant en tirer bénéfice : qu’ils sachent que l’État n’est ni une chasse gardée ni un butin de guerre. Il n’y a pas de patriotisme véritable hors du respect de la légalité. On ne peut aimer son pays en détruisant les fondements juridiques et constitutionnels de son fonctionnement.

À l’instar de ces dignitaires d’hier, élus dans les formes mais gouvernant contre le fond, les militaires d’aujourd’hui se font passer pour des sauveurs. Mais ils ne réparent rien. Ils usurpent, ils suspendent, ils imposent. Et comme ceux d’hier, ils tomberont sous le poids de leur imposture.

Car rien ne saurait durablement triompher contre la volonté du peuple. Rien ne remplace l’État de droit. Rien ne justifie qu’on tourne le dos à la Constitution.

La nuit peut être longue, mais le jour finit toujours par se lever. Et ce jour-là, la justice se dressera, les peuples parleront, et les imposteurs devront répondre.

Nul n’est au-dessus de la loi. Pas même ceux qui la tiennent en joue.

]]>
http://www.mamadoukonate.com/2025/05/31/du-glaive-au-droit-plaidoyer-contre-la-confiscation-militaire-du-pouvoir-en-afrique/feed/ 0
Élections en Afrique : Réinventer le suffrage pour refonder la démocratie http://www.mamadoukonate.com/2025/05/12/elections-en-afrique-reinventer-le-suffrage-pour-refonder-la-democratie/ http://www.mamadoukonate.com/2025/05/12/elections-en-afrique-reinventer-le-suffrage-pour-refonder-la-democratie/#respond Mon, 12 May 2025 09:38:11 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3192

Par Mamadou Ismaïla KONATÉ
Avocat à la Cour, Barreaux du Mali et de Paris
Ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice

Résumé introductif

L’élection est au cœur de la légitimation démocratique. En Afrique, elle constitue à la fois un symbole d’émancipation politique et un théâtre de manipulation, de contestation et de fracture sociale. Les faiblesses structurelles du système électoral africain – de la fiabilité du fichier électoral à l’impartialité des juridictions, en passant par la régulation institutionnelle – révèlent une urgence démocratique majeure. Cet article propose une analyse critique des obstacles au suffrage sur le continent, enrichie de références historiques, d’exemples de bonnes pratiques et de pistes concrètes de réforme.

Introduction : Histoire, enjeux et réinvention du suffrage en Afrique

Depuis les années d’indépendance, le vote est présenté comme le fondement du contrat social postcolonial. Pourtant, l’élection, en tant que moment de vérité démocratique, a été précocement dévoyée : au nom de l’unité nationale, des régimes autoritaires ont étouffé le pluralisme, imposé des partis uniques et réduit le suffrage universel à une formalité. Dans bien des cas, l’électeur africain n’a jamais réellement été souverain.

Avec les transitions démocratiques des années 1990, le retour au multipartisme et aux élections pluralistes a suscité un espoir de transformation. Mais rapidement, les promesses ont buté sur de vieux démons : fichiers électoraux frauduleux, manipulations des institutions, exclusion de candidats, et justice électorale discréditée.

Aujourd’hui encore, alors que le suffrage universel direct est proclamé comme norme constitutionnelle, sa mise en œuvre effective reste entravée par de multiples obstacles. L’élection demeure le défi central de la construction démocratique en Afrique. Elle est le test de vérité du pluralisme, de l’alternance, de la responsabilité politique, et de la vitalité des contre-pouvoirs.

Toutefois, il serait réducteur de penser l’élection comme l’unique modalité d’expression de la volonté populaire. L’Afrique, riche de ses traditions communautaires, peut s’inspirer de formes complémentaires, telles que : les modes indirects de suffrage, les mécanismes consultatifs locaux, les référendums d’initiative citoyenne ou encore les pouvoirs délibératifs décentralisés. Ainsi, l’élection, tout en restant la voie principale d’expression de la souveraineté populaire, doit être pensée dans une logique élargie de participation citoyenne, ancrée dans les réalités sociales, culturelles et institutionnelles des sociétés africaines.

I. L’offre électorale : du discours au contrat politique vérifiable

En Afrique, le débat électoral reste souvent prisonnier de logiques de clientélisme, d’ethnicisation et de populisme. L’offre politique est rarement structurée autour de projets crédibles. Trop de candidats multiplient les promesses irréalistes, sans aucune base programmatique ni responsabilité post-électorale.

Exemple réussi : Ghana – IMANI Manifesto Tracker. L’institut IMANI évalue depuis 2012 les engagements pris dans les manifestes politiques ghanéens, les classe par domaine (économie, éducation, santé, etc.), et suit leur exécution. Ce mécanisme favorise un vote informé et met les partis face à leurs engagements.

Propositions :
– Imposer la publication d’un programme de campagne structuré comme contrat politique.
– Former les électeurs à l’analyse des offres politiques via des plateformes indépendantes.
– Mettre en place un registre des engagements électoraux contrôlé par une autorité indépendante.

II. La participation électorale : reconstruire la confiance et l’inclusion

Le taux d’abstention élevé dans plusieurs pays traduit la défiance croissante des citoyens. Cette abstention est souvent nourrie par un accès difficile à l’enregistrement électoral, l’absence de documents d’identité, ou l’insécurité généralisée.

Le socle du vote : l’identification de l’électeur. Il est impératif de disposer d’un identifiant électoral unique, fondé sur une biométrie centralisée, interconnectée à l’état civil.

Exemple : Afrique du Sud – Electoral Commission (IEC). L’IEC gère un registre permanent, actualisé, associé à un identifiant biométrique. Des campagnes massives de sensibilisation ont permis d’atteindre des taux d’enregistrement supérieurs à 80 %.

Propositions :
– Mettre en place un recensement biométrique obligatoire.
– Créer une carte d’électeur biométrique unique.
– Élaborer un système multi-canal de vote (présentiel, mobile, diaspora).

III. La fraude électorale : rompre avec la normalisation de l’illégalité

La fraude est rarement accidentelle. Elle est structurelle, systémique, et souvent planifiée. Elle touche la confection des listes, le scrutin lui-même et la centralisation des résultats.

Exemple : Kenya – Système KIEMS. Il permet une identification biométrique à l’entrée du bureau, une transmission numérique des résultats, et une publication en ligne des procès-verbaux.

Exemple hors Afrique : Inde – Machines de vote électronique vérifiables (EVM + VVPAT). Chaque vote est accompagné d’un reçu imprimé, conservé dans une urne scellée.

Propositions :
– Publier en ligne les résultats bureau par bureau.
– Généraliser l’observation électorale citoyenne.
– Imposer des audits techniques indépendants du système électoral.

IV. La régulation électorale : renforcer l’indépendance et la cohérence juridictionnelle

La régulation repose sur l’administration électorale, l’autorité administrative indépendante, et la justice (administrative, civile, constitutionnelle).

Exemple : Cour suprême du Kenya (2017). Elle a annulé une élection présidentielle pour irrégularités, illustrant une justice électorale courageuse et impartiale.

Exemple : Maroc. Le contentieux est réparti entre justice administrative, civile et constitutionnelle.

Propositions :
– Créer des juridictions électorales spécialisées avec des magistrats formés.
– Publier toutes les décisions sur une base de données nationale.
– Instaurer un code électoral autonome et accessible.

V. Vers une justice électorale communautaire : la CEDEAO comme ultime recours

Quand les juridictions nationales sont partiales ou inefficaces, il faut envisager une juridiction supranationale.

Proposition de réforme : la Cour électorale de la CEDEAO. Une chambre spécialisée au sein de la Cour de justice de la CEDEAO statuerait sur les contentieux majeurs, garantirait les standards électoraux et prononcerait des injonctions contraignantes.

Références utiles :
– CEDH (article 3 du Protocole n°1).
– Cour constitutionnelle andine (Bolivie, Équateur, Pérou).

Propositions :

– Élaborer un Protocole CEDEAO sur la justice électorale régionale.
– Permettre la saisine individuelle des électeurs ou partis lésés.
– Doter la Cour d’un pouvoir d’injonction contraignant.

Conclusion

L’élection n’est pas un moment de théâtre, mais un mécanisme de responsabilité collective. L’Afrique ne doit pas renoncer à l’idéal du suffrage. Elle doit en élever les standards, en renforcer les garanties et en diversifier les formes.

Le vote ne doit plus être une ruse de légitimation, mais un acte de souveraineté populaire. Il est temps que le suffrage devienne une vérité, et non un artifice.

]]>
http://www.mamadoukonate.com/2025/05/12/elections-en-afrique-reinventer-le-suffrage-pour-refonder-la-democratie/feed/ 0
Saccager les partis n’est qu’un début : livrés à eux-mêmes, ils détruiront la démocratie, par ignorance de l’histoire et mépris des libertés http://www.mamadoukonate.com/2025/05/11/saccager-les-partis-nest-quun-debut-livres-a-eux-memes-ils-detruiront-la-democratie-par-ignorance-de-lhistoire-et-mepris-des-libertes/ http://www.mamadoukonate.com/2025/05/11/saccager-les-partis-nest-quun-debut-livres-a-eux-memes-ils-detruiront-la-democratie-par-ignorance-de-lhistoire-et-mepris-des-libertes/#respond Sun, 11 May 2025 17:45:40 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3189

Par Mamadou Ismaïla KONATÉ
Avocat à la Cour, Barreaux du Mali et de Paris
Arbitre, ancien Garde des Sceaux

Introduction générale

Peut-on parler de démocratie sans partis politiques ? À cette question simple, la réponse est sans détour : non. Même imparfaits, critiqués, parfois instrumentalisés, les partis politiques sont les véritables artisans du pluralisme et de l’expression populaire. Lorsqu’un régime décide de les suspendre ou de les réduire au silence, c’est toute la démocratie qui s’éteint progressivement, laissant place à l’unanimisme, à la peur et à l’autoritarisme.

Dans l’espace africain, les partis ont été souvent malmenés. Et pourtant, dans plusieurs pays, ils ont permis l’alternance, le progrès des libertés et la participation citoyenne. Il faut donc en comprendre le rôle, rappeler leur ancrage dans le droit, et identifier les conditions d’un pluralisme politique sain.

I. Les partis politiques en Afrique – une fonction démocratique irremplaçable

1. Une histoire enracinée dans la lutte pour la liberté

Les partis politiques africains sont nés dans le contexte des luttes pour l’indépendance. Ils ont incarné la volonté d’émancipation des peuples et ont permis de porter un projet national collectif. Le Rassemblement Démocratique Africain (RDA), le PDG de Guinée, ou encore l’ANC en Afrique du Sud ont été bien plus que des appareils électoraux : ce furent des instruments de mobilisation et de structuration politique du peuple.

2. Des acteurs essentiels du suffrage universel

Dans une démocratie, le suffrage universel (le droit de vote pour tous les citoyens majeurs) est l’expression la plus visible de la souveraineté populaire. Mais voter suppose choisir entre plusieurs visions, projets ou équipes. Ce sont les partis politiques qui organisent cette offre, qui proposent des candidats, et qui animent le débat public.

3. Des exemples concrets de contributions démocratiques

Malgré des critiques légitimes sur leur fonctionnement, les partis politiques africains ont parfois permis des transitions pacifiques et ouvert la voie à des progrès démocratiques. Exemples :
– Au Sénégal, les alternances entre le Parti Socialiste, le PDS et l’APR ont permis de maintenir un pluralisme électoral.
– Au Cap-Vert, le PAICV et le MpD se sont succédé pacifiquement, garantissant la stabilité politique.
– En Afrique du Sud, l’ANC a été confronté à une opposition parlementaire active, même au sommet de son hégémonie.
– Au Ghana, les alternances entre le NPP et le NDC ont renforcé la crédibilité démocratique du pays.

II. Garantir le pluralisme, défendre les partis : une responsabilité démocratique

1. La suspension des partis : un danger pour la démocratie

Quand un régime suspend les activités des partis politiques, même temporairement, il bloque le jeu démocratique. Il empêche les citoyens d’avoir un choix, confisque la parole politique, et affaiblit les libertés publiques. C’est ce qui s’est produit récemment au Mali.

2. Ce n’est pas à l’État de “corriger” les partis

Les critiques envers les partis sont fondées. Mais ce n’est pas à l’exécutif, encore moins à un régime militaire, de juger de leur utilité ou de les interdire. Le droit doit encadrer les partis — pas les détruire. La réforme doit venir de l’intérieur.

3. Quand il n’y a plus de partis, il n’y a plus de pluralisme

Un pays sans partis, c’est un pays sans opposition institutionnelle, sans débat public structuré, et où le pouvoir n’a plus de compte à rendre. La suppression des partis est souvent le prélude à la dictature.

Conclusion

Le débat sur les partis politiques en Afrique ne doit pas être tranché par des décrets ni des armes. Il doit être porté par le droit, nourri par le peuple, et encadré par des institutions solides. Critiquons les partis, oui. Réformons-les, absolument. Mais supprimons-les, jamais. Car sans partis politiques libres et légitimes, il n’y a ni suffrage véritable, ni pluralisme, ni démocratie.

]]>
http://www.mamadoukonate.com/2025/05/11/saccager-les-partis-nest-quun-debut-livres-a-eux-memes-ils-detruiront-la-democratie-par-ignorance-de-lhistoire-et-mepris-des-libertes/feed/ 0
Suspension des activités des partis politiques au Mali : un décret illégal, arbitraire et inconstitutionnel déguisé sous le prétexte de l’ordre public http://www.mamadoukonate.com/2025/05/08/suspension-des-activites-des-partis-politiques-au-mali-un-decret-illegal-arbitraire-et-inconstitutionnel-deguise-sous-le-pretexte-de-lordre-public/ http://www.mamadoukonate.com/2025/05/08/suspension-des-activites-des-partis-politiques-au-mali-un-decret-illegal-arbitraire-et-inconstitutionnel-deguise-sous-le-pretexte-de-lordre-public/#respond Thu, 08 May 2025 11:50:44 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3176

 Par Mamadou Ismaïla KONATÉ

Avocat à la Cour, Barreaux du Mali et de Paris

Ancien garde des Sceaux

Introduction

Le décret n°2025-0318/PT-RM du 7 mai 2025, adopté en Conseil des ministres, suspendant les activités des partis politiques au Mali, s’inscrit dans la lignée des mesures autoritaires prises sous la Transition. Il traduit, sous couvert de l’ordre public, une volonté manifeste de museler la vie politique et d’éteindre le pluralisme constitutionnellement garanti.

Or, le respect des libertés publiques, notamment de la liberté d’association et du pluralisme politique, constitue un pilier de l’État de droit. Toute restriction à ces libertés doit satisfaire à des conditions strictes de légalité, de nécessité et de proportionnalité, telles que reconnues par le droit constitutionnel, le droit pénal malien et le droit international.

L’analyse du décret révèle à la fois son absence de base légale sérieuse, son caractère manifestement arbitraire, et l’instrumentalisation abusive de l’ordre public comme justification.

I.  Un décret dépourvu de fondement juridique et caractérisé par son illégalité manifeste

 A.  Une carence de base légale au regard des normes constitutionnelles et législatives

Le décret se prévaut de divers fondements généraux (Constitution, Charte de la Transition, lois relatives aux associations et à la liberté de réunion) mais aucun texte n’habilite expressément l’exécutif à suspendre globalement l’activité des partis politiques.

Or, selon le principe fondamental de légalité :

  • Toute restriction aux libertés fondamentales doit être prévue par une loi formelle (CE, Amar, 1936 — principe repris par la CCJA, Aff. Bolloré / Douala Port, 2017) ;
  • Elle doit être nécessaire, adaptée et proportionnée (CEDH, Handyside c/ Royaume-Uni, 1976 ; CC Mali, Décision n°2020-04/CC du 4 août 2020 sur la loi électorale).

Les textes maliens eux-mêmes sont clairs :

  • La Constitution (art. 39 et 185) garantit expressément le pluralisme politique et l’existence des partis ;
  • La Loi sur les associations limite la suspension ou dissolution à des mesures individuelles, motivées et prononcées judiciairement ;
  • La loi sur la liberté de réunion (ancien régime juridique) prévoit uniquement des interdictions ponctuelles et ciblées en cas de trouble imminent.

En conséquence, la suspension générale et globale ordonnée par simple décret excède manifestement les pouvoirs de l’exécutif, violant le principe de légalité.

B.  Une mesure arbitraire et disproportionnée contraire aux exigences constitutionnelles et pénales

Au-delà de l’absence de fondement juridique, la mesure ainsi prise par le gouvernement de transition militaire :

  • Est générale et indéterminée dans le temps, ce qui heurte directement le principe de proportionnalité ;
  • N’est justifiée par aucun trouble grave ou imminent, selon les propres termes du décret ;
  • Assimile toutes les formations politiques sans distinction, annihilant ainsi le pluralisme.

Cette situation place le décret dans la sphère de l’illicite pénal :

  • Attentat à la Constitution (Articles 241-1 et suivants) :

Constitue un attentat à la Constitution « tout comportement violant la Constitution et ses principes » (article 241-1). La violation du pluralisme politique garanti par la Constitution entre indubitablement dans cette catégorie.

  • Atteinte illégale aux libertés publiques (Article 241-3) :

L’acte d’interdiction générale et absolue, sans base légale, constitue un acte arbitraire attentatoire aux droits civiques, réprimé expressément par cet article.

  • Abus d’autorité : Même en l’absence d’un article formel sur l’abus d’autorité, le comportement du gouvernement peut relever de l’exercice illégal ou excessif du pouvoir public portant atteinte aux droits garantis par la Constitution.

Ces approches ont été validées par la jurisprudence (Cour suprême du Mali (Ch. Crim., arrêt n°123 du 11 juin 2019) ; Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Affaire Lohe Issa Konaté c/ Burkina Faso, 2014).

II.  L’ordre public, un alibi juridiquement fallacieux et inopérant

 A. L’ordre public ne peut fonder des atteintes générales et absolues aux libertés

L’ordre public peut justifier des restrictions, mais sous conditions strictes :

  • Elles doivent être nécessaires et proportionnées ;
  • Elles doivent être limitées dans le temps et ciblées.

La jurisprudence (Kessler c/ France (CEDH, 2023) ; la Cour suprême du Sénégal (Arrêt n°78 du 25 octobre 2018) condamne les interdictions générales infondées.

En l’espèce, aucun trouble grave ou imminent n’est démontré. L’ordre public est invoqué comme un prétexte pour museler l’opposition.

B.  L’instrumentalisation de l’ordre public : une dérive autoritaire et anticonstitutionnelle

Le véritable objectif du décret :

  • Empêcher toute contestation politique ;
  • Neutraliser les adversaires du régime ;
  • Installer un régime de fait à parti unique ou sans partis, contraire aux engagements internationaux du Mali (art. 13 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance).

Cette dérive viole autoritaire :

  • La Constitution malienne qui garantit le pluralisme ;
  • Les engagements régionaux et internationaux du Mali ;
  • Les principes généraux de l’État de droit.

La jurisprudence africaine condamne fermement ces pratiques. La Cour constitutionnelle du Bénin (Décision DCC 17-262 du 5 décembre 2017) a rappelé que “la préservation de l’ordre public ne saurait justifier la suppression des libertés politiques”.

Conclusion

Le décret n°2025-0318/PT-RM est :

→ Illégal, en raison de l’absence de fondement normatif habilitant l’exécutif à suspendre globalement les partis politiques ;

→ Arbitraire et disproportionné, dès lors que la mesure est générale, absolue et non justifiée ;

→ Pénalement répréhensible, au titre de l’abus d’autorité, de l’atteinte illégale aux libertés publiques et de l’atteinte à la Constitution ;

→ Anticonstitutionnel et antidémocratique, en ce qu’il vise à priver le peuple malien du droit fondamental au pluralisme politique.

L’ordre public est un alibi pour une confiscation autoritaire du pouvoir. Cette dérive menace l’État de droit au Mali

]]> http://www.mamadoukonate.com/2025/05/08/suspension-des-activites-des-partis-politiques-au-mali-un-decret-illegal-arbitraire-et-inconstitutionnel-deguise-sous-le-pretexte-de-lordre-public/feed/ 0 Jeunesse, démocratie et État de droit : le temps du ré apprentissage http://www.mamadoukonate.com/2025/04/16/jeunesse-democratie-et-etat-de-droit-le-temps-du-re-apprentissage/ http://www.mamadoukonate.com/2025/04/16/jeunesse-democratie-et-etat-de-droit-le-temps-du-re-apprentissage/#respond Wed, 16 Apr 2025 12:15:37 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3146 Par Mamadou Ismaila KONATE
Avocat à la Cour
Barreaux du Mali et de Paris
Ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice

Il ne faut jamais fuir la jeunesse ni éluder le débat avec elle. Encore moins lorsqu’il s’agit d’échanger avec cette frange vive, bruyante, parfois sans art, souvent confuse, mais toujours incontournable pour notre pays. Une jeunesse qualifiée trop hâtivement de « perdue » est, en réalité, en errance de repères, en quête de sens dans un monde où les certitudes se sont effondrées, où les institutions ont perdu leur prestige, et où l’avenir semble perpétuellement différé. Cette jeunesse est souvent livrée à elle-même, isolée, et devient proie facile ou première victime des tempêtes qui secouent nos sociétés.

Pourtant, elle incarne l’un des paradoxes les plus saisissants de notre époque : elle rejette ce qu’elle admire, critique ce qu’elle consomme, dénonce ce qu’elle ignore. Elle ne sait pas toujours ce qu’elle veut, ignore où elle va, ne sait ni avec qui avancer ni que faire d’elle-même ni de la vie qui lui est offerte – ou qui lui échappe.

Un rejet confus de la démocratie : entre illusion et allusion

On les entend, ces jeunes, crier leur rejet de la démocratie et, partant, de l’État de droit. Mais ce  rejet est souvent brouillon, presque caricatural. Ils confondent la démocratie avec sa version  dévoyée – une « perversion démocratique » : corrompue, inefficace, usée. Une démocratie qu’ils n’ont ni comprise, ni réellement vécue, mais qu’ils prétendent avoir « vue » à travers l’effigie de politiciens opportunistes, arborée sur des t-shirts distribués à l’occasion de campagnes électorales clientélistes. Tel député, candidat pour la énième fois, a financé un tournoi de football ou offert une moto au leader local de la jeunesse.

Mais dans ce qu’ils ont « vu », il y a davantage d’illusion que d’expérience, plus d’allusion que de lucidité.

Ils accusent la démocratie et l’État de droit d’être des importations occidentales, des produits étrangers imposés – notamment par la France. Pourtant, leurs référents culturels, artistiques, vestimentaires,  idéologiques – jusqu’à leurs clubs de football favoris – proviennent très souvent de ces mêmes sphères qu’ils prétendent rejeter. Le paradoxe est frappant : ils suivent des icônes occidentales sur les réseaux  sociaux, dansent sur des musiques issues des industries culturelles transatlantiques, s’habillent à l’occidentale – jeans trouéschaussures de marque, y compris, de contrefaçon, gadgets connectés. Ils sont fervents supporters du PSG, du Barça ou du Real Madrid, et rarement de l’Espérance de Tunis, du TP Mazembe, d’Al Hilal ou du CS Sfaxien. 

Ignorance des libertés, mésusage de l’État de droit

Ce qui frappe le plus, c’est que cette jeunesse ne semble pas percevoir que c’est précisément dans un État de droit qu’elle peut exprimer librement ses opinions, même les plus hostiles, comme elle le fait dans la rue, sur les places publiques ou sur les réseaux sociaux. Reine des couloirs sombres, elle agit dans l’ombre, souvent sans être vue, ni connue, ni reconnue. Elle méconnaît le sens profond des libertés dont elle use – et abuse – fréquemment à contre-emploi. Elle ignore jusqu’au principe d’égalité devant la loi, socle du constitutionnalisme moderne. Elle conteste l’autorité, sans jamais lui opposer une alternative construite. Elle invoque le « peuple », sans en définir les contours. Ainsi, un jeune de vingt ans, à peine sorti du lycée ou de la rue, se proclame « le peuple », comme s’il incarnait à lui seul la légitimité nationale.

Dans la rue, ils occupent l’espace public, bruyamment, parfois violemment, faute d’autres lieux de dialogue. À la maison, ils sont absents, effacés, engloutis par un monde virtuel, ou marginalisés par une autorité familiale en crise. Double identité souvent ignorée des parents, pour ceux qui en ont encore ou qui entretiennent un lien avec eux. À l’école, beaucoup ont déserté. Ceux qui tiennent encore, trouvent refuge dans les lieux de culte, devenus parfois les seuls espaces de structuration et de socialisation, avec les dérives dogmatiques que cela peut entraîner. À côté, il y a la prison — autre lieu d’accueil de cette jeunesse. Beaucoup y atterrissent sans en comprendre les raisons, ni en accepter la légitimité. Certains, plus radicaux, s’y convertissent en muezzins, non par foi sincère, mais par manque de perspectives.

Un désespoir transformé en colère sociale

Faute d’éducation civique, de culture politique, de repères historiques solides, cette jeunesse confond révolte et révolution, agitation et engagement. Elle applique la loi du talion dans un ordre social parallèle où la force prime sur le droit. Elle redoute l’hôpital, fuit l’école, méprise les institutions, mais réclame un avenir pour lequel elle n’est pas toujours préparée. Affaiblie par la pauvreté, les addictions, la désinformation numérique, elle s’enfonce dans un épuisement et un désenchantement inquiétants.

Et pourtant, elle ignore que dans toutes les Constitutions des pays sahéliens et d’Afrique de l’Ouest francophone – du Mali au Burkina Faso, du Niger au Tchad, de la Guinée à la Côte d’Ivoire – le coup d’État est un crime imprescriptible. Il ne s’efface jamais. Il constitue une rupture grave de l’ordre constitutionnel. C’est pourquoi les putschistes réclament toujours une amnistie : le droit les condamne, même si les armes les soutiennent.

Mais cette jeunesse répond : « cela ne m’intéresse pas ». Elle rejette la démocratie sans proposer d’alternative, sombrant dans un nihilisme politique nourri d’émotions brutes, de slogans creux, de figures autoproclamées. Elle est victime d’une manipulation algorithmique qui remplace l’éducation par l’indignation, le savoir par l’opinion, le réel par la rumeur.

« Nous ne voulons plus de ces politiciens qui ont souillé le pays », affirment ils en choeur. Sans doute ont-ils raison. Mais ils oublient qu’ils ont, souvent, accompagné cette déchéance. Et maintenant, ils proclament que l’heure des militaires est arrivée. Il faut « essayer ». Puis viendront d’autres figures, d’autres promesses. Après les képis, les chéchias. L’engrenage est connu. Ils ouvrent la voie à l’enfer, alors même qu’ils se disent horrifiés par Gaza ou d’autres tragédies humanitaires.

Un appel à la rééducation civique et politique

Que faire ? Il faut reconstruire des espaces de réapprentissage, des lieux d’ancrage dans le réel, dans la connaissance, dans l’histoire. Il faut enseigner, ou réenseigner, à cette jeunesse – au-delà du « Toto tire Nama »- que :

• la Terre est ronde,
• le ciel n’est pas une barrière mais un espace,
• la mer n’est pas un fleuve,
• Ouagadougou n’est pas la seule capitale de l’Afrique de l’Ouest,
• Mogadiscio n’est pas un mythe,
• l’ONU n’est pas l’Union africaine,
• le sport ne se résume pas au football.

Ce serait déjà un premier pas. Une brèche dans l’ignorance. Un chemin vers la reconquête du sens. Car sans base, sans repères, sans lunettes adaptées à leur époque, cette jeunesse continuera de dériver, exposée aux manipulations, à la servitude volontaire ou à la violence gratuite. Prisonnière des réseaux sociaux, elle n’en sort plus.

Conclusion : pour une pédagogie de l’espérance

Il ne s’agit pas de condamner cette jeunesse ni de la ridiculiser. Il faut la comprendre pour mieux l’armer, intellectuellement et moralement. L’avenir du continent africain dépend de la capacité de ses sociétés à retisser le lien entre générations, à réconcilier mémoire et espérance, à faire du savoir une force, et du débat une culture.

La démocratie n’est pas un prêt-à-porter importé. C’est un édifice à construire, ensemble, avec rigueur, lucidité, et une jeunesse réconciliée avec elle-même.

]]>
http://www.mamadoukonate.com/2025/04/16/jeunesse-democratie-et-etat-de-droit-le-temps-du-re-apprentissage/feed/ 0
Cessez de troubler le sommeil des Banquiers : Réflexions sur la responsabilité bancaire dans les transactions internationales dans un contexte africain http://www.mamadoukonate.com/2025/03/14/cessez-de-troubler-le-sommeil-des-banquiers-reflexions-sur-la-responsabilite-bancaire-dans-les-transactions-internationales-dans-un-contexte-africain/ http://www.mamadoukonate.com/2025/03/14/cessez-de-troubler-le-sommeil-des-banquiers-reflexions-sur-la-responsabilite-bancaire-dans-les-transactions-internationales-dans-un-contexte-africain/#respond Thu, 13 Mar 2025 23:09:36 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3138

Par Mamadou Ismaila KONATE, avocat à la Cour, Barreaux du Mali et de Paris, arbitre, ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice

mko@jurifis.com

L’Afrique, riche de sa diversité économique et culturelle, est aujourd’hui au cœur des enjeux du commerce international et des investissements transfrontaliers. Avec la création de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf), le continent s’engage dans une dynamique d’intégration économique sans précédent, qui repose largement sur la fluidité des transactions financières et le rôle fondamental des banques. Les banques africaines, qu’elles soient locales, régionales ou filiales de groupes internationaux, jouent un rôle stratégique dans cette transformation. Elles facilitent les échanges commerciaux, financent les projets d’infrastructure et servent de pont entre les économies locales et les marchés mondiaux. Sinon, comment s’imaginer que la production de coton, d’or ou d’uranium dont sont producteurs le Burkina Faso, le Mali et le Niger se vende sur un marché autre que le leur ?

Cependant, dans ce contexte d’expansion économique, les banques africaines se retrouvent parfois au cœur de litiges liés à leur rôle d’intermédiaires financiers,   (même s’il leur arrive de prendre des risques inutiles et démesurés, pour un gain infime). Ces litiges peuvent porter sur des garanties bancaires, des crédits documentaires ou des transferts internationaux, voire à l’occasion d’intermédiation bancaire. La résolution de ces litiges soulève des questions complexes sur la responsabilité des banques dans les transactions internationales aussi bien par-devant le juge judiciaire qu’en arbitrage. Il est donc essentiel de réfléchir à la manière dont les juges, les procureurs, mais aussi les arbitres abordent ces questions, en tenant compte des spécificités juridiques et économiques du continent africain et les appréhendent surtout.

Cet article de circonstance, propose d’examiner, à chaud, la responsabilité bancaire dans un contexte africain qui englobe le Mali et les autres pays de l’UEMOA. Ces pays ont en commun une banque centrale et une monnaie unique, ce qui met en lumière le sujet des best practices ou bonnes pratiques bancaires en français et les principes juridiques qui encadrent cette activité (I). Nous analyserons les limites évidentes de cette responsabilité dans le cadre des transactions internationales et des litiges transfrontaliers (II). Cette réflexion s’appuie sur les lois et règlements en vigueur dans plusieurs pays africains, ainsi que sur la jurisprudence et les normes internationales applicables.

I. Le rôle du banquier africain : cadre juridique et bonnes pratiques bancaires

A. Le banquier africain comme acteur clé des transactions internationales

Les banques africaines, en tant qu’acteurs majeurs du système financier mondial, jouent un rôle crucial dans les transactions internationales, encore plus en afrique. Elles interviennent notamment dans l’émission de garanties bancaires, le financement du commerce extérieur (via les crédits documentaires) et la facilitation des paiements transfrontaliers et l’intermédiation. Ces opérations sont encadrées par des normes internationales, telles que les Règles et Usances Uniformes (RUU) pour les crédits documentaires et les Règles Uniformes relatives aux Garanties sur Demande (RUGD), élaborées par la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Ces normes, bien que non contraignantes juridiquement, sont largement adoptées par les banques africaines pour assurer la sécurité et la prévisibilité des transactions.

Sur le continent africain, les cadres juridiques nationaux et régionaux viennent compléter ces normes internationales. Par exemple, dans les dix-sept pays membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), le droit uniforme des affaires régit plusieurs aspects des transactions bancaires, notamment à travers l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sûretés qui n’en est pas le moindre. Ce texte établit des règles claires sur les garanties et les engagements bancaires, contribuant ainsi à harmoniser les pratiques dans l’espace OHADA.

B. La responsabilité bancaire strictement encadrée par le droit africain

La responsabilité des banques africaines est strictement encadrée par les lois nationales et régionales. En vertu des principes généraux du droit civil et commercial en vigueur dans de nombreux pays africains, la responsabilité d’une banque ne peut être engagée qu’en cas de faute prouvée. Cette faute peut résulter d’une négligence dans l’exécution des obligations contractuelles, d’une violation des normes professionnelles, d’une imprudence ou d’une fraude.

Dans le cadre des crédits documentaires, par exemple, les banques sont tenues de vérifier les documents présentés par les parties conformément aux termes du crédit qui est le cadre qui lie la banque et son client. Il est la loi des parties.

Du coup, la responsabilité de la banque ou du banquier ne peut être engagée pour des éléments échappant à leur contrôle, tels que la qualité des marchandises ou la bonne exécution du contrat commercial sous-jacent. Ce principe a été confirmé par plusieurs décisions de justice en Afrique, notamment dans l’espace OHADA, (y compris au Mali même si la jurisprudence en la matière, loin d’être homogène et harmonisée, bégaye quelque peu en fonction de la juridiction, de l’instance et des enjeux de l’affaire) où les juges ont rappelé que la banque n’est pas partie au contrat commercial principal et n’a pas à en garantir l’exécution.

De même, dans le domaine des garanties bancaires, qu’elles soient émettrices, garantes, contre garantes ou qu’elles agissent en intermédiation, les banques africaines sont protégées par le principe de l’autonomie des garanties. Ce principe général du droit bancaire stipule que la garantie bancaire est indépendante du contrat principal. Et cela, il faut que les juges l’entendent, que les parquets le comprennent et que les parties, notamment les clients des banques cessent de s’étonner quant à la signification de ce principe.

C’est en raison de sa pertinence et de son évidence que ce principe est reconnu par les RUGD et adopté dans de nombreux systèmes juridiques africains, dont celui du Mali et des pays l’UEMOA. Il limite la responsabilité de la banque aux termes stricts de la garantie, sauf en cas de fraude manifeste.

L’hypothèse de la fraude, en tant que situation exceptionnelle, constitue l’unique motif pouvant exposer un banquier à des sanctions pénales, voire à une peine d’emprisonnement en matière de transactions commerciales. Cependant, il est impératif que cette éventualité soit traitée avec la plus grande prudence par le juge, afin d’éviter toute interprétation abusive ou malveillante. Si la fraude est envisagée, il convient de distinguer clairement la responsabilité individuelle du banquier, en tant que salarié ou mandataire, de celle de l’institution bancaire qu’il sert, laquelle opère dans un secteur strictement encadré et régulé. En cas de faute, c’est donc l’institution qui doit répondre en premier lieu, bénéficiant d’une obligation légale de couverture des risques professionnels liés aux opérations bancaires. Cela n’exclut pas pour autant un recours éventuel de la banque contre son employé ou mandataire, au travers d’une action récursoire. Néanmoins, dans l’intérêt de la justice et sans encourager une quelconque impunité, il est fondamental de préserver la personne du banquier de sanctions excessives ou injustifiées, en veillant à une appréciation lucide et équitable des faits.

II. Les limites de la responsabilité bancaire dans le commerce international africain

A. Les défis spécifiques des transactions internationales en Afrique

Les transactions internationales en Afrique sont souvent marquées par une complexité accrue, due à des facteurs tels que la diversité des systèmes juridiques, les différences linguistiques et culturelles, et la faiblesse des infrastructures financières dans certains pays. L’indice de risque de fraude n’est pas négligeable non plus.

Ces défis peuvent donner lieu à des malentendus ou à des litiges impliquant les banques.

Prenons l’exemple d’une banque basée au Sénégal, émettant une garantie bancaire pour une entreprise ivoirienne dans le cadre d’un projet de construction au Mali, avec une contre-garantie émise par une banque marocaine. Si le projet échoue en raison de problèmes politiques ou économiques, la responsabilité de la banque sénégalaise pourrait être mise en cause. Cependant, pour engager cette responsabilité, il faudrait prouver que la banque a commis une faute caractérisée, par exemple en émettant une garantie sans s’assurer de la capacité financière de l’entreprise ivoirienne.

Dans un autre exemple, une banque éthiopienne pourrait être accusée de négligence si elle accepte des documents falsifiés dans le cadre d’un crédit documentaire. Cependant, conformément aux RUU, la banque n’est tenue de vérifier que la conformité apparente des documents, et non leur authenticité. Cette distinction est essentielle pour protéger les banques contre des réclamations abusives.

Dans cet exemple complexe, l’intervention d’une banque de Dubaï pour garantir un marché de construction au Soudan illustre les interactions internationales souvent nécessaires pour encadrer des projets d’envergure. En mobilisant différents correspondants, notamment à Londres et au Rwanda, pour transmettre via Swift et confirmer l’authenticité des garanties émises, la chaîne bancaire joue un rôle crucial dans la sécurisation des transactions. Cependant, la liquidation judiciaire de l’entreprise émettrice de la garantie soulève des questions sur la validité de cette dernière et sur la responsabilité des intermédiaires bancaires. Bien qu’il soit légitime de chercher la responsabilité de la banque notificatrice dans un État de droit, celle-ci ne peut être engagée qu’en cas de faute avérée, comme une fraude ou une collusion avec l’entreprise émettrice. Ces conditions mettent en lumière la rigueur nécessaire dans la gestion des garanties bancaires internationales, tout en rappelant que les cas de responsabilité établie des banques restent relativement rares, témoignant souvent d’une vigilance accrue dans ce domaine.

B. La jurisprudence africaine sur la responsabilité bancaire

La jurisprudence africaine a progressivement clarifié les contours de la responsabilité bancaire dans les transactions internationales. Dans plusieurs affaires, les juges ont rappelé que la banque agit comme un intermédiaire neutre et que sa responsabilité ne peut être engagée que si elle a manqué à ses obligations professionnelles ou contractuelles.

Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA, la responsabilité d’une banque camerounaise a été écartée au motif qu’elle avait respecté les termes du crédit documentaire et les normes professionnelles en vigueur. La cour a souligné que la banque n’avait pas à vérifier la qualité des marchandises ou la solvabilité des parties au contrat commercial.

De même, dans une affaire impliquant une banque sud-africaine, les juges ont confirmé que la banque ne pouvait être tenue responsable des pertes subies par une entreprise exportatrice en raison de la défaillance de son partenaire commercial, dès lors que la banque avait respecté les termes de la garantie bancaire.

Conclusion

 Les banques africaines occupent une place stratégique dans le développement économique du continent, en assurant la fluidité des transactions financières et en inspirant confiance aux acteurs économiques. Toutefois, leur rôle de tiers de confiance nécessite un cadre juridique clair et stable, adapté aux réalités africaines et respectueux des normes internationales, telles que celles de l’OHADA. Les juges et procureurs, garants de la justice, doivent s’efforcer de trouver un juste équilibre entre la protection des droits des parties et la préservation de « l’ordre public bancaire », évitant ainsi une judiciarisation excessive qui pourrait entraver l’initiative économique et miner la confiance dans le système bancaire. Le respect des bonnes pratiques, couplé à une approche mesurée des litiges, est essentiel pour consolider un environnement propice à la croissance économique. En effet, la crédibilité des banques repose sur leur stabilité et leur capacité à répondre efficacement aux attentes des clients. Une mise en cause abusive ou disproportionnée, telle qu’une garde à vue ou un mandat de dépôt, pourrait nuire durablement à leur réputation et compromettre leur rôle clé dans la société. Il est donc crucial que les institutions judiciaires, en collaboration avec les pouvoirs publics, contribuent à renforcer la sécurité et la prévisibilité du cadre bancaire, pour permettre aux banques de continuer à soutenir le développement économique africain dans un climat de confiance et de sérénité.

 

]]>
http://www.mamadoukonate.com/2025/03/14/cessez-de-troubler-le-sommeil-des-banquiers-reflexions-sur-la-responsabilite-bancaire-dans-les-transactions-internationales-dans-un-contexte-africain/feed/ 0
Cet enfant buffle se relèvera un jour et marchera vers le Sénégal et l’Afrique… http://www.mamadoukonate.com/2025/01/07/cet-enfant-buffle-se-relevera-un-jour-et-marchera-vers-le-senegal-et-lafrique/ http://www.mamadoukonate.com/2025/01/07/cet-enfant-buffle-se-relevera-un-jour-et-marchera-vers-le-senegal-et-lafrique/#respond Tue, 07 Jan 2025 22:00:33 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3125 Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, qu’on le déteste ou non, qu’il soit de votre camp ou d’ailleurs, que vous partagiez ses idées ou non, Ousmane SONKO aura été cette épine mal placée quelque part dans le corps du système politique sénégalais d’hier à aujourd’hui.
Saddam Hussein n’avait-il pas prédit aux États-Unis qu’ils récolteraient les épines que leurs dirigeants ont plantées dans le monde ?

Au-delà du Sénégal, Ousmane SONKO aura retenu l’attention de nombreux citoyens africains, en CEDEAO, en CEMAC et plus loin, partout en Afrique et sans doute au-delà.

Il aura, par ses faits, ses gestes, ses attitudes et son comportement, toujours plein de fougue et d’éclats, au-delà des limites et jusqu’aux extrêmes quand il le fallait, agi ainsi.

Il a dénoncé le mal, pointé le vol d’où qu’il provienne, vilipendé la fraude, la triche.

Chaque fois qu’un mauvais geste se faisait au détriment de la collectivité et de l’intérêt général, il l’a dit, souvent brutalement et bruyamment. Par ses prises de position vigoureuses, sa capacité à dénoncer en pointant du doigt le probable coupable du délit, au prix de tout et absolument tout, il s’est mis en danger, souvent en danger de mort. Ici comme là-bas, une telle manière de faire et d’agir vous met à dos la « nomenklatura » et ses sbires.

Aucun geste n’est de trop pour tuer. Aucune action contre le camp ne passe sans contrepartie. Tous les coups sont permis pour repousser l’intrus, l’intimider, l’éliminer, y compris physiquement.

L’armada judiciaire est la base, et c’est à partir d’elle que le signal de la mobilisation est donné. La justice ici est aussi l’alibi des gens de la «nomenklatura » qui veulent se donner des allures de gens précautionneux de l’État de droit. On installe le juge à l’avance, nouvellement affecté sur son piédestal, dans la zone du conflit judiciaire, en calculant bien les paramètres de sa compétence. Et le dossier lui est mis sous le pied, à lui de le dérouler jusqu’au bout. Le pire est qu’il fait semblant de se prendre pour le juge, mais il juge le jour et, à la fin de l’audience, il rejoint la plèbe, le petit soir, nuitamment, pour prendre les dernières consignes judiciaires.

Et la suite est connue. Comment une banale affaire de présumé viol arrive-t-elle à embastiller toute une carrière politique, broyer un homme, un enfant buffle et l’écarter de tout. En  embuscade, du monde et beaucoup de monde, dont un ministre en exercice, plutôt déterminé à laver son linge sale en même temps que son honneur, son orgueil et toute sa dignité dans le cadre d’une procédure en diffamation, consécutive, il est vrai, à une prise de parole imprudente. Ne nous dit-on pas dans la Bible qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler ?

Néanmoins, la diffamation, une procédure tout aussi banale que la première entreprise contre lui. À son encontre, les procédures se déroulent toutes, les unes après les autres, montées de fines mais dures mains de procéduriers orfèvres, téléguidées et remorquées pour amener le colis jusqu’à la haute juridiction pour l’estocade.

Qu’ils y arrivent est un fait. Mais l’enfant buffle leur en a fait voir de toutes les couleurs. Il aura tout de même contribué à changer la figure de la politique et à modifier complètement la manière de faire la politique. À tort ou à raison, ses méthodes, ses manières de faire et d’agir auront contribué à changer le visage politique, mais également la politique au Sénégal et en Afrique. Plus jamais on n’accaparera la part de tous, au profit d’un ou de quelques-uns au Sénégal mais aussi en Afrique désormais. Plus aucun acte de gouvernement ne peut être pris en catimini, à l’insu de tous, par quelques-uns contre plusieurs autres. Une conscience citoyenne est désormais née. Elle sait ce qu’elle veut pour elle et ce qu’elle ne veut pas ou plus, et qu’elle ne laissera faire pour rien au monde. Elle sait aussi bien agir que réagir. Elle est au Sénégal mais en dehors du Sénégal.

Elle est debout et elle regarde. La machine de la « nomenklatura » est arrivée à bout de l’enfant buffle qui ne sera probablement pas ou plus candidat pour cette année. Non pas qu’il ne veuille ou qu’il ne doive pas, mais qu’on n’aura pas voulu de lui et qu’on l’aura purement et simplement écarté de la course. L’enfant buffle, par son courage à la limite du physique et du psychique, son abnégation, a fait la preuve évidente de sa volonté d’avancer, au rythme du buffle, plus qu’engagé à faire la peau de tous ceux qui se dressent sur son chemin. Il aura été stoppé net sur ce coup. Contraint et forcé de garder prison sans jamais courber l’échine un seul instant.

Comme cet autre enfant buffle, il se relèvera vite et se libérera un jour. Il sortira un jour de prison. Pendant ce temps, il sera plus aguerri, plus apte à agir. Un jour, et ce jour viendra, on fera avec lui, avec ses idées et avec ses manières de penser, de croire, de dire et de faire… et ce jour, comme cet autre enfant buffle, SOUNDIATA… PARTI DE RIEN, INFIRME, RAMPANT SUR LE SOL, INCAPABLE DE MARCHER, tu te lèveras et sortiras des geôles, pour faire valoir la justice, l’égalité et le respect de l’autre dans une société sénégalaise et africaine, juste et égale. Pitié, ne leur en veux pas parce qu’ils te craindront. Ne leur en veux pas parce qu’ils voudront fuir. Ne leur en veux pas, et pas du tout pour tout l’or du monde. Indique-leur leur place au Sénégal et en Afrique ! Disleur leur rôle et leur mission ! Traite-les en droit et avec justice ! De cette façon, tu accompliras ta mission et, comme tous les autres, tu passeras sans trépasser et tu termineras ton pouvoir assurément et dignement.

Par Mamadou Ismaïla KONATÉ, avocat à la Cour, Barreaux du Mali et de Paris, arbitre, ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice
(Texte écrit le 07 janvier 2024, sous embargo, mais partagé avec certaines personnes)

]]>
http://www.mamadoukonate.com/2025/01/07/cet-enfant-buffle-se-relevera-un-jour-et-marchera-vers-le-senegal-et-lafrique/feed/ 0
BILLET D’HUMEUR : La justice malienne à la croisée des chemins http://www.mamadoukonate.com/2022/12/31/billet-dhumeur-la-justice-malienne-a-la-croisee-des-chemins/ http://www.mamadoukonate.com/2022/12/31/billet-dhumeur-la-justice-malienne-a-la-croisee-des-chemins/#respond Sat, 31 Dec 2022 13:44:36 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3068 Entre la réunion provoquée de la session spéciale de la cour d’assises de Bamako[1] qui se réunira, pour juger, et probablement condamner, les mercenaires ivoiriens d’hier, devenus militaires et ivoiriens aujourd’hui. Sans doute qu’une grâce interviendra par la suite et cela semble justifier l’accord conclu ; la saisine de la Cour constitutionnelle, passage obligé pour promulguer une loi organique visant à modifier l’âge de la retraite des membres de la Cour suprême, désormais installés, non plus dans une fonction, mais « nommés » dans le cadre d’un « mandat » de super juges, les autorités maliennes de la transition, auparavant déterminées à refonder l’État (nouveau) et rétablir l’État de droit, sous le coup de la « realpolitik », agissent comme d’autres… ni plus ni moins et dans la « combinazione ».

Comme tous les gouvernants présents et passés, il leur arrive de faire des galipettes eux aussi, de violer la loi et d’ignorer les principes… à l’insu du peuple, puisqu’ils disent souvent le contraire de ce qu’ils font et ne font plus rien comme ils le disent ou pas toujours !

Quarante-neuf, puis quarante-six citoyens, militaires, ivoiriens et nommés comme tels, sauf ceux-là qui les ont appelés « mercenaires », sont à l’origine du courroux de l’État du Mali, dans sa guéguerre contre la Côte d’Ivoire et son chef, le président Alassane Dramane OUATTARA. Celui-ci est soupçonné, aux yeux des Maliens au pouvoir, d’être le principal chef de l’État de la CEDEAO, à la manœuvre et à la commandite, pour prendre et faire prendre contre le Mali et sa junte les pires sanctions de l’histoire. Celles-ci ont été jugées à la fois « illégales », « illégitimes » et « inhumaines »[2]. Et les plus révoltés contre ces sanctions ne se sont pas gênés pour voir, là aussi, la main invisible d’une France à leurs yeux détestée et détestable.

Des individus non identifiés, arrivés en tenue militaire et munis d’armes et de munitions, ont atterri à l’aéroport international Modibo KEITA, Bamako, Sénou. Ils ont été interrogés dès le passage à la frontière. Suspectés, ils ont été immédiatement arrêtés et interrogés à nouveau. Ils se sont présentés comme étant en « service » dans les contingents des Nations unies, présents au Mali pour le compte de la Côte d’Ivoire.

Dans le doute, ils ont été arrêtés et gardés au Mali.

Par finir, l’État du Mali, dans le tumulte et le désarroi, en a fait son cheval de bataille. Il en a profité pour véritablement régler et/ou solder ses comptes de l’époque de l’embargo, un triste souvenir.

On a dit de ces individus qu’ils étaient malfaisants et qu’ils avaient l’intention de s’en prendre au Mali et à son régime de transition, ainsi qu’à ses autorités, dans le dessein cynique de « briser la dynamique de la Refondation et de la sécurisation du Mali ». L’attentat sordide qu’ils avaient projeté a été déjoué, grâce au « professionnalisme des Forces de défense et de sécurité maliennes ».

Suivant un communiqué du parquet près le tribunal de grande instance en Commune VI du District de Bamako, les militaires ivoiriens, mercenaires, ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt. Les faits qui leur sont reprochés sont extrêmement graves : « crimes d’association de malfaiteurs, d’attentat et complot contre le gouvernement, d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État, de détention, port et transport d’armes de guerre et de complicité de ces crimes ».

Les infractions étaient suffisamment graves et caractérisées pour que rien, et absolument rien d’autre que la justice ne puisse se saisir de cette affaire. Elle a été invitée à entrer en scène et elle est entrée en scène, avec ses mots, ses méthodes, ses hommes et ses manières de faire. Or, la justice est le pire remède à ce genre d’affaires, qui débutent à grands coups d’éclat pour se tasser comme si rien ne s’était passé.

La diplomatie, que l’on a tuée au départ pour laisser place à l’invective et aux diatribes byzantines, est celle qui intervient pour clore l’incident. Elle est en définitive l’instrument idéal et le plus adapté pour mettre un terme à la « guéguerre ».

Elle est intervenue et a pris le pas sur la justice.

Par finir, c’est le politico-militaire qui intervient pour dicter à la justice ce qu’il y a lieu de faire. Le dossier est envoyé en instruction, par-devant « la justice militaire ». L’affaire est « enrôlée » et renvoyée « à un jugement spécial », « sans audience publique ».

Sans aucun doute, la diplomatie aura été plus efficace, dans cette affaire, que la justice. Sans doute s’est-on enfin rendu compte du poids politique, mais aussi économique, d’un voisin dont on avait sous-estimé la capacité de nuisance à tout va. Sans doute que l’ultimatum de la prise de sanctions par la CEDEAO, que l’on ne cesse pourtant de clouer tous les jours au pilori, y a été pour quelque chose. Sans doute devrait-on regarder, non plus seulement le nombril, mais les intérêts du Mali et des Maliens. Sans doute qu’en matière de gouvernance, il faut s’éloigner du populisme et avancer vers le réalisme. Sans doute que ce pays a besoin en ce moment de plus de calme et de sérénité pour que les gens vivent. Sans doute que la justice et ses acteurs devraient reprendre la main en prenant conscience que son instrumentalisation, ici et ailleurs, est plus nocive que tout à l’État de droit. Sans doute qu’est advenu le temps de regarder, de se regarder, de nous regarder et de nous dire les choses comme il se doit. Sans doute qu’il faut se rendre compte que ce pays est nôtre. Sans doute qu’il faut se dire que tous, autant que l’on soit, comptent dans ce pays et que tous se valent dans ce pays et pour ce pays. Sans doute que nous sommes tous des fils et des filles de ce pays, chacun dans sa laideur et sa beauté, tous avec nos intelligences, nos limites et nos lacunes absolues.

C’est tout cela et tous ceux-là qui font un pays.

Cessons ! Arrêtons ! Résignons-nous !

En fin de compte, que dois-je retenir de l’attitude des autorités de la transition ? J’avais fait partie de leurs milliers de soutiens de jadis, comme ils aiment se le dire et apprécient d’entendre se le conter, très souvent, pour justifier d’une légitimité à la fois inégalée et jamais érodée. Ils ont dit tant de mal de ces militaires ivoiriens, tant de mal de la Côte d’Ivoire, tant de mal de la CEDEAO et de ses dirigeants, vendus à la France et à Macron, tous déterminés et en totale collusion pour déstabiliser une transition et ses dirigeants…

Ces dirigeants de la transition malienne appuient aujourd’hui, et fortement, la démarche ivoirienne de récupération de leurs militaires, mercenaires hier. Ceux-ci comparaîtront dans un « procès-spectacle », tout monté, juste pour obtenir des tickets Bamako-Abidjan, pour le bonheur et la liberté des voyous d’hier, pour aller fêter le nouvel an chez eux, puisqu’ils auront passé Noël au « gnouf ». Mercenaires et étrangers hier, ils seront froqués du statut de militaires et ivoiriens, ils partiront de Bamako en bagnards, arriveront demain en héros à Abidjan.

Les mercenaires seront néanmoins et malgré tout jugés par-devant la Cour d’assises spécialement réunie. Ils seront condamnés à vingt ans de réclusion criminelle et deux millions de F.CFA d’amendes pour les quarante-six (46) militaires encore détenus et, à la peine de mort, par contumace, pour les trois (3) militaires ayant auparavant bénéficié d’une liberté provisoire. Pas d’inquiétudes cependant pour eux puisqu’il y a un « deal ». Les condamnés pourraient probablement être graciés ce 31 décembre 2022, dans un élan de mansuétude, doublée de magnanimité, à l’occasion de sa prise de parole, le  chef de l’État du Mali, lors de la présentation des vœux pourrait les gracier.

Le tour sera joué !

La justice aura servi à ça au moins, pour régler des comptes et lesquels comptes !

Et si c’était tout ce qu’il fallait dire ou retenir au sujet de la justice au Mali, en régime de transition ? Non ! Il y a à dire et à redire au sujet de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle sous le N° 2022-03, le 27 décembre 2022.

Saisie par le gouvernement de transition de l’examen d’une loi organique, concernant entre autres la retraite des magistrats de la Cour suprême que l’exécutif souhaite « entorser », pour des motivations largement contestables. Les syndicats de magistrats se sont ligués contre, sans grande réussite. On attend encore leurs réactions et celles d’indignation des hommes de droit et de justice, qui sont encore épris de paix et de respect de la légalité.

Le principe est que le statut des magistrats fixe l’âge de leur départ à la retraite à soixante-cinq (65) ans.

Le gouvernement, par une curieuse démarche, a entrepris d’y déroger, notamment pour ce qui concerne, non pas tous les magistrats, mais exclusivement ceux qui sont en fonction à la Cour suprême, la plus haute juridiction malienne. La situation de ces magistrats est régie par une loi organique[3], en application des dispositions constitutionnelles[4].

En tant que loi organique, le processus législatif la concernant la soumet à  l’appréciation de la Cour constitutionnelle, pour lui assurer une conformité à la Constitution.

Comme toutes les lois organiques, son contenu est examiné non seulement à la lumière des textes de la Constitution, tant que celles-ci ne dérogent pas négativement à la Charte de la transition, y compris révisée, mais aussi, à l’aune des principes généraux du droit, du bloc de constitutionnalité et de la jurisprudence éventuelle de la Cour constitutionnelle.

Les circonstances de la saisine de la Cour constitutionnelle sont les suivantes :

  • La loi qui régit la situation des magistrats de la Cour suprême prévoit, entre autres causes de cessation de leurs fonctions, la retraite;

  • L’âge de cette retraite est fixé pour les magistrats à soixante-cinq (65) ans révolus, c’est aussi le cas, d’ailleurs, pour les fonctionnaires en général, tous ceux qui sont des cadres de la catégorie A de la fonction publique ;

  • Le gouvernement a entrepris de modifier cette loi, notamment son article 8, non pas au profit de tous les magistrats, mais exclusivement pour ceux qui sont membres de la Cour suprême. Il justifie sa démarche en indiquant que la Cour suprême est la plus haute juridiction qui incarne « le pouvoir judiciaire », en omettant d’ailleurs de mentionner sur ce plan, au nombre des autres juridictions, les Cours et Tribunaux[5].

  • La modification du texte de l’article 8 visait à extraire le critère de l’âge de la retraite comme cause de cessation des fonctions des membres de la Cour suprême. Pour le gouvernement, les membres de la Cour suprême échapperaient à la retraite à soixante-cinq (65) ans et pourraient être maintenus en fonction au-delà, la fonction de juge s’effaçant au profit du « mandat » de juge.

Dans son arrêt aux allures d’arrêt de principe, la Cour constitutionnelle n’y est pas allée de main morte. Elle a rappelé au gouvernement la réalité des principes juridiques de base qui sont à observer en définitive en matière de prise d’actes de gouvernement.

Ils sont les suivants :

  • Contrairement au motif avancé par le gouvernement, la Cour constitutionnelle lui rappelle que tous les membres de la Cour suprême ne sont pas des magistrats professionnels. Elle cite notamment le cas des membres de la Section des comptes, qui proviennent de tous les corps de métier de l’administration publique. En tant que membres de la Cour suprême, en fonction à la Section des comptes, ceux-là sont en position de détachement. Malgré ce statut et cette qualité, ils restent et demeurent néanmoins régis par leurs propres statuts initiaux, et nulle dérogation de la loi ne pourrait leur permettre d’y échapper.

  • La Cour constitutionnelle rappelle également que le statut de la fonction publique prévoit que la cessation des fonctions est acquise, entre autres, par la retraite et que nul ne peut y déroger et/ou y échapper.

  • La Cour constitutionnelle rappelle de manière presque comminatoire au gouvernement qu’il ne saurait emprunter une quelconque voie détournée, comme le « mandat »[6] de juge en lieu et place de la « fonction » de juge, pour contourner des règles pourtant impératives qui fixent précisément les modalités de cessation des fonctions de juge par la retraite.

  • La Cour constitutionnelle déclare « absolument impossible » le contournement de la loi opéré par le gouvernement, faisant notamment fi des « restrictions statutaires » qui doivent être les seules références législatives, pour envisager la cessation ou le prolongement de la « fonction » de magistrat, qui est loin d’être un « mandat »[7], y compris pour les magistrats de la Cour suprême.

L’examen de la Cour constitutionnelle, sur le plan de la démarche adoptée, n’est pas sans reproches. En effet, la juridiction constitutionnelle s’est volontairement abstenue de procéder à un examen complet et plus en profondeur de la loi, ce qui est un véritable déni. Elle s’est contentée d’un contrôle qualité de la loi sur le plan de la légistique pour censurer en raison de ce que la loi organique empiétait le domaine de la loi ordinaire. Certes, mais pas que !

La seule saisine de la juridiction constitutionnelle entraine la dévolution de la plénitude de l’examen de la loi organique, ce, sous tous les angles et travers.

Par exemple, cette loi pouvait être examinée sous l’angle de la rupture de l’égalité de tous devant la loi.

Le principe d’égalité a d’ailleurs régulièrement été invoqué par-devant les juridictions constitutionnelles, se décline sous de multiples acceptions. Il est depuis quelque temps déjà, une norme de référence bien évidemment pour les juridictions constitutionnelles, mais aussi administratives et judiciaires, aussi bien en Europe qu’en Afrique. L’égalité consacrée par les Conventions et traités internationaux est une égalité de droit qui, comme le rappelle la doctrine « exige que toutes les personnes placées dans des situations identiques soient soumises au même régime juridique, soient traitées de la même façon, sans privilège et sans discrimination ».

En application d’une telle conception qui est dominante en droit, il n’est pas admissible qu’au milieu des dizaines de magistrats de la Cour suprême, seuls le Président et le Procureur général peuvent rester en fonction, au-delà de soixante-cinq (65) ans en raison du « mandat » « fonction » qui sera les leurs d’une part et, en raison de la stabilité bénéfique de leur présence.

La Cour constitutionnelle ne peut pas méconnaitre la règle de la plénitude juridictionnelle puisqu’elle l’a déjà rappelé dans son arrêt[8]. Cet arrêt a eu un retentissement extrêmement profond dans tout le Mali, dans la classe politique malienne de l’époque et dans les pays africains qui construisent un État de droit.

La Cour constitutionnelle proclame que, saisie sur le fondement de l’article 88 alinéa 2 de la Constitution en vue d’examiner certains articles contestés de la loi électorale, « elle se reconnaît le droit d’examiner l’ensemble des articles de la loi attaquée ». La saisine des députés concernait quelques griefs contre la loi. La Cour a cependant censuré vingt-quatre dispositions d’une loi comportant au total 190 articles.

C’est bien en application du principe de l’égalité de tous devant la loi que la loi portant nouveau projet de code électoral a été censurée par la Cour constitutionnelle. Ce texte prévoyait un scrutin mixte, majoritaire à un tour dans les circonscriptions qui ont un à trois sièges à pourvoir et proportionnel à la plus forte moyenne dans les circonscriptions de 4 sièges de députés ou plus.

C’est parce que la Cour constitutionnelle a failli à cette mission de contrôler la pleine et entière constitutionnalité de la loi, qui lui incombait pourtant, qu’elle a, sans doute et  volontairement ouvert la brèche ayant permis au gouvernement, de reprendre la balle au bond et de s’avancer plus en avant dans la violation.

Il était loisible également à la Cour constitutionnelle, pour la première fois et, par sa saisine qui lui en donnait l’opportunité, de faire le constat de la contrariété flagrante et nuisible qui résulte de la lecture des dispositions des articles 5[9] et 8 de la Loi N° 2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle.

Dans la pratique, il est arrivé que les dispositions de l’article 8 aient toujours pris le pas sur celle de l’article 5. Or, a priori, ce n’est pas tant la qualité de Président ou de Procureur général de la Cour suprême qui est déterminante pour la cessation de leurs fonctions, que leur qualité de membres de cette Cour. C’est au regard de leurs qualités de membres qu’ils sont nommés pour un mandat de cinq ans. Et c’est également sur cette base que leur âge de la retraite peut être prorogé au-delà de soixante-cinq (65) ans et dans la limite du « mandat de cinq ans ».

Or, il s’est trouvé des magistrats qui ont été nommés la dernière année de leur soixante-cinquième année et qui sont partis à la retraite à soixante-cinq ans révolus, sans jamais pouvoir invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 8 de la loi.

En l’état actuel de la loi et sur la foi de la pratique, le texte de l’article 5 de la loi paraît désuet. Le législateur a prévu d’aligner la Cour suprême sur d’autre institution juridictionnelle comme la Cour constitutionnelle elle-même, mais sans jamais que la pratique pour ce qui concerne la Cour suprême ne suive véritablement. Voilà une autre distorsion que la saisine du gouvernement constituait une opportunité pour la Cour constitutionnelle, de régler la discorde[10] et faire évoluer la loi pour l’aligner sur les standards.

Dès le jour de la publication de cet arrêt-sanction en apparence de la Cour constitutionnelle, le gouvernement, contre toute attente, s’est empressé, le même jour, de faire adopter un projet d’ordonnance modifiant la Loi n°02-054 du 16 décembre 2002, modifiée, portant statut de la Magistrature.

En support de sa démarche, le gouvernement invoque les dispositions de l’article 81 de la Constitution pour rappeler que le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutifs et législatif. Il rappelle que cette indépendance s’exerce par la Cour Suprême et les autres Cours et tribunaux. Il ajoute que la Cour suprême est la plus haute juridiction de l’État en matière judiciaire, administrative, et des comptes.

Revenant sur la cessation définitive de la fonction de membre de la Cour Suprême, qui entrainerait la perte de la qualité de membres, le gouvernement rappelle que cette situation résulte, entre autres, de l’admission à la retraite par la limite d’âge. La limite d’âge pour les magistrats étant fixée à soixante-cinq (65) ans, conformément aux dispositions de l’article 101 de la loi du 16 décembre 2002 portant statut de la magistrature.

Le gouvernement fait maladroitement allusion aux « attributions » du seul Président et Procureur général de la Cour Suprême, en ce que ces deux magistrats, au milieu de plusieurs autres, sont les seuls à contribuer « à la stabilité et à la pérennité de la gouvernance de l’Institution ». L’objet de la prise d’acte de gouvernement, en forme d’Ordonnance, ne se justifiant du point de vue du gouvernement, que pour maintenir « en fonction… ces deux hauts magistrats au-delà de la limite d’âge de 65 ans ». Ceci « s’avère une nécessité » aux yeux du gouvernement. « Le projet d’ordonnance adopté proroge » ainsi « de 3 ans l’âge de départ à la retraite des magistrats occupant les fonctions de Président et de Procureur général de la Cour Suprême ». Pour le gouvernement, « cette prorogation permettra d’assurer la relève et servira de tremplin pour imprimer une dynamique cohérente à la jurisprudence de la Cour Suprême à travers l’expérience des magistrats concernés ».

La loi n’est plus la règle générale et impersonnelle, elle est au service d’un intérêt particulier à satisfaire.

À voir la détermination et la façon d’insister du gouvernement pour, d’une part, juger les mercenaires ivoiriens qu’il faut sauver par tous les moyens, et ce avant le 1er janvier 2023, ultimatum annonçant les sanctions contre le Mali, et l’allure avec laquelle est adoptée l’Ordonnance de modification de l’âge de la retraite des magistrats de la Cour suprême, au seul profit du Président et du Procureur général de cette haute juridiction, on comprend jusqu’où la refondation de l’État et la restauration de l’État de droit sont en marche au Mali.

Sans doute le rappel de cet objectif combien noble de se sortir de ce Mali « ancien », « pourri », « immoral » et « amoral » est-il nécessaire, mais il reste tout aussi clair que cet objectif se poursuivra de toutes les mille autres manières, sauf par le droit, avec la loi et à l’aide de la justice.

            Avons-nous pris l’option de l’État de non-droit en lieu et place de l’État de droit dans notre pays ?

            Sans doute oui puisque la Cour constitutionnelle, de la manière la plus sommaire, a dit que l’Ordonnance qui modifie la loi sur l’âge de la retraite du Président et du Procureur général était conforme à la Constitution. Ce qui valait hier, ne vaut plus aujourd’hui et la République est sauve !

[1] Annonce faite par une dépêche de l’AFP

[2] Voir les déclarations publiques des autorités de la transition dont le Président, le Premier ministre et l’intérimaire du Premier ministre

[3] Loi N°2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle.

[4] Article 83 : La Cour Suprême comprend : une section judiciaire ; une section administrative ; une section des comptes. Une loi organique fixe son organisation, les règles de son fonctionnement ainsi que la procédure suivie devant elle.

[5] Article 81 de la Constitution du Mali : « Le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’exerce par la Cour Suprême et les autres Cours et Tribunaux. Le pouvoir judiciaire est le gardien des libertés définies par la présente Constitution. Il veille au respect des droits et libertés définis par la présente Constitution. Il est chargé d’appliquer, dans le domaine qui lui est propre, les lois de la République.

[6] Sans doute plus en application des dispositions du Statut des magistrats que de la loi sur la Cour suprême.

[7] Voir néanmoins l’article 5 de la loi sur la Cour suprême

[8] Cour constitutionnelle du Mali Arrêt N° 003, du 25 octobre 1996.

[9] Article 5 : Les membres de la Cour Suprême sont nommés par décret pris en Conseil des Ministres pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable.

Article 8 : La cessation définitive de fonction d’un membre de la Cour Suprême entraînant la perte de qualité de membre résulte :

– de la démission régulièrement acceptée ;

– de l’admission à la retraite par limite d’âge ;

– du décès ;

– d’une nouvelle affectation ;

– de l’arrivée du terme et du non renouvellement du mandat.

[10] La contradiction entre les articles 5 et 8 de la loi 2016 sur la Cour suprême résulte de ce que, d’une part,

selon les dispositions de son article 5, les membres de la Cour suprême sont nommés pour un mandat  de 5 ans, renouvelable. Ce mandat prend sa source dans le fait que la Cour suprême est une Institution de la République. Les membres des institutions sont nommés pour un mandat, sans aucune référence à leur âge de départ à la retraite comme cause de cessation de leur mandat.

Et, d’autre part, l’article 8 de la même loi impose comme condition de cessation de la qualité de membres de la Cour suprême, l’admission à la retraite, à l’âge de 65 ans. Cette disposition trouve sa source dans le statut de la magistrature qui s’applique à tous les magistrats, y compris les membres de la Cour suprême. La Cour suprême est à la fois Institution et juridiction suprême, animée par des magistrats qui sont et demeurent soumis à un statut pour ce qui est de leur carrière. D’où le dilemme créé par le législateur de 2016 qui a cru devoir associer les deux « casquettes » de la Cour suprême. C’est de cela que résulte la dichotomie : l’application du statut  pour le départ à la retraite des magistrats, y compris lorsqu’ils sont membres de la Cour suprême, en négation totale des dispositions de l’article 5 de la loi.

Par Mamadou Ismaïla KONATÉ,

anciennement Garde des Sceaux,

ministre de la Justice,

présentement avocat et arbitre

]]>
http://www.mamadoukonate.com/2022/12/31/billet-dhumeur-la-justice-malienne-a-la-croisee-des-chemins/feed/ 0
Piètres vœux de bonne année 2023… http://www.mamadoukonate.com/2022/12/31/pietres-voeux-de-bonne-annee-2023/ http://www.mamadoukonate.com/2022/12/31/pietres-voeux-de-bonne-annee-2023/#respond Sat, 31 Dec 2022 12:48:36 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3069 Ce monde a l’air de s’accommoder de ses brutes et de ses violents venus d’ailleurs, plus qu’il n’a d’égards pour les pacifistes, pourtant d’ici. Des brutes et des violents, capables de furie, pleins de fureur. Ils sont déterminés à dévorer les plus féroces d’entre nous, juste pour asseoir leurs idées de la suprématie, doublées de terreur foudroyante pour les résistants.

Seuls les hors-la-loi, les fraudeurs, les violeurs, les pilleurs et les assassins de bêtes sauvages semblent désormais prendre le dessus sur tout, mais surtout sur le droit et la justice.

Ceux-là dominent la loi et piétinent la justice. Ils tordent même le cou à toute idée d’indépendance du juge, insupportable pour eux, tout comme l’indépendance de la justice elle-même.

De la poule ou de l’œuf, qui a engendré qui ?

Du peulh ou du forgeron, lequel des deux est l’ainé ?

La justice est cette maison piétinée, celle qui s’applique aux hommes et non pas celle qui s’abat sur la tête des animaux domestiques. Celle qui pourchasse les mercenaires, partout où ils se trouvent, pourvu qu’il s’agisse de complots en bandes de mafieux où qu’ils nichent, de hordes de mercenaires venus de pas loin pourtant, très vite encerclés, puis poursuivis et pourchassés comme il se doit.

C’était bien la peine d’aller si loin, aussi loin que le procureur de la République, pour se saisir du crime et, en appeler à la sagesse, à la clémence.

Du coup, les mercenaires trouble-fêtes peuvent-ils songer à recouvrer un brin de liberté ?

C’est toujours comme cela que ça se passe chaque fois que le génie des hommes décide de se parler plutôt que de se tirer dessus. Se parler oui, mais en langue des signes, pas celle des gorilles, même pétris de diplomatie.

Le gorille est et demeure le gorille !

Il ne hurlera plus pour la peau de banane et ne mangera plus jamais la banane sans le régime qui la porte.

La justice est cette dame toujours prise en défaut. Elle n’est pas toujours juste et manque véritablement de justesse quand il faut danser avec les loups.

Le flagrant délit, oui, mais jamais sans la culotte baissée à moitié.

Il s’en est fallu de peu, de si peu pour ne pas se rendre coupable d’attentat aux mœurs, mais les bonnes mœurs. Il faut justement éviter à la justice de s’emparer de la veuve et de l’orphelin, en laissant au repos les quarante-six méchants mercenaires, seules proies vivantes et privées de liberté. Ils sont et demeurent encore juteux dans ce monde d’impies, un monde dans lequel la robe noire de l’avocat se confond avec celle du juge, dans lequel l’ecclésiastique du coin finit par déshabiller du regard le fidèle accroupi face à lui, implorant non pas Dieu, mais Samba le Guinnârou.

Celui-ci demande de l’aide au muezzin, qui lui est préoccupé par les canons qui se braquent au-dehors, près des passants dans les rues, non loin des palais mais hélas près des chaumières, pressé de ramasser les butins des trésors enfouis, en planque. Œuvre des démocrates menteurs colporteurs, recherchés par les panafricanistes de mauvais poil, en raison de ce que leur parole ne ressemblerait plus qu’au contenu du fond de leurs pantalons. Ceci laisse planer le doute quant à l’attitude du colonel-putschiste, venu de l’autre coin, dissimulant à peine sa volonté réelle, mais encore hésitante et chancelante de se déshabiller, de renoncer à ses galons. Puis de s’emparer des vestiges du pouvoir ou simplement ôter la tête à ce qui reste de la démocratie et des démocrates, que des mensonges colportés.

Vite, avant même que dame nature ne passe par là ! Elle viendra à bout des démocrates en leur raccourcissant la taille et la longueur, sans compter qu’elle voudra réduire leur nombre.

Le chemin du cimetière, qui abrite aujourd’hui plus d’esprits que de corps, se rétrécit et laisse peu de place aux animaux survivants de la peste et les hommes du choléra.

Les vautours des villes font preuve de plus de talents que leurs semblables qui sont en l’air. Faute de savoir nager, ils se loupent dans l’eau, chaque fois qu’il s’agit de pêcher sans filets… tandis que l’année finissante a illuminé les défis non vaincus de l’année plus vieillie, voilà que la nouvelle année tente d’éclairer ses horizons, pour 2023. Sous les lampions de la Pythie, prêtresse de l’oracle d’Apollon à Delphes, qui prédit un brin de bonheur. Tenez-vous bien, on entend dire que le nord d’ici sera coupé du sud de là-bas ; que le scrutin censé s’ouvrir aux caméléons se fermera aux hyènes édentées ; que tout cela ne sera pas sans grabuge ; que les hommes en chéchia qui ont dominé l’enceinte où l’on dépouillera les votes sont prêts à tout ; que les hommes en blanc, transfuges des Ordres sans ordres, ne servent plus à rien, si ce n’est de pis-aller ; que le tout se déroulera sous la supervision des Wagner, seuls et dignes représentants de ce qui va nous rester de communauté internationale, certes envahissante et colorée de noirs, les blancs ayant jauni des dents et noirci de la tête, pour que d’autres aspirent à souffler de l’air, boire de l’eau en haïssant les écolos-gigolos, qui ont eu le malheur de prédire la fin d’un monde, confondant ainsi la fin de règne de Trump et l’arrivée au pouvoir de Le Pen, sur les cendres d’une France macaroni, jeune et non rajeunie, mais qui s’est, un tant soit peu, prise pour le monde, celui des vieux aux cheveux blanchis, s’exprimant dans un langage seulement accessible aux cochons, que les esprits habités par des humains attentifs, n’ont ni tolérés, ni acceptés.

Les vieux aux cheveux blanchis ont au contraire décidé de jeter le mauvais sort à la France et à son petit chef, ce qui a fait passer l’Hexagone de la cinquième à la cent-cinquième place d’une compétition mondiale ouverte aux déchaînés et aux fous de tous poils et de tous acabits, non seulement bardés de pouvoirs mais également munis de bombes qu’ils n’hésitent pas à larguer.

Le Royaume marocain et son bon Roi y ont échappé. Dès lors, ils se sont hissés plus haut, plus loin que l’Espagne au moins, et la Belgique et tous les autres.

Le temps que Poutine finisse de menacer de faire disparaitre la planète dès lors qu’il aura décidé de faire exploser sa bombe nucléaire, vers où et/ou en direction de qui…

Tout cela se déroule comme si nous avions quitté l’humanité, pour nous installer dans l’animalerie et la bêtise.

En cette fin d’année apocalyptique, souhaitons-nous bonne et heureuse année nouvelle, en espérant être au nombre de ceux des humains et des bêtes qui survivront, préservés du mal, mais aussi des malfaisants et des malfaiteurs, croyons en Dieu, et disons-nous qu’il est le tout-puissant !

Bonne et heureuse année 2023, plus de bonheur qu’auparavant !

 

Mamadou Ismaila KONATE

]]>
http://www.mamadoukonate.com/2022/12/31/pietres-voeux-de-bonne-annee-2023/feed/ 0
La détention du Conseiller National de la Transition Issa Kaou N’DJIM, d’une violation de la loi de procédure vers une forfaiture… http://www.mamadoukonate.com/2021/11/11/la-detention-du-conseiller-national-de-la-transition-issa-kaou-ndjim-dune-violation-de-la-loi-de-procedure-vers-une-forfaiture/ http://www.mamadoukonate.com/2021/11/11/la-detention-du-conseiller-national-de-la-transition-issa-kaou-ndjim-dune-violation-de-la-loi-de-procedure-vers-une-forfaiture/#respond Thu, 11 Nov 2021 10:46:55 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3019
  • 1. Jerry John Rawlings est celui qui, par deux fois, s’est emparé du pouvoir d’État au Ghana par les armes. Un record d’ailleurs égalé depuis. S’exprimant au sujet des difficultés de la construction de l’État de droit, il dit en des termes on ne peut plus clairs : « Nous devons mettre en place des institutions, des procédures et des pratiques si fortes que, même si le diable en personne arrivait au pouvoir au Ghana, il lui serait impossible de faire tout ce qu’il veut ».
  • Veuillez cliquer sur le lien ci-dessous pour lire l’article en entier.

    La détention du Conseiller National de la Transition Issa Kaou NDJIM-MKO


    Par Mamadou Ismaïla KONATÉ

    ]]>
    http://www.mamadoukonate.com/2021/11/11/la-detention-du-conseiller-national-de-la-transition-issa-kaou-ndjim-dune-violation-de-la-loi-de-procedure-vers-une-forfaiture/feed/ 0