Me Mamadou Ismaila KONATE http://www.mamadoukonate.com Blog officiel de l'Avocat Wed, 16 Apr 2025 12:15:37 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.26 Jeunesse, démocratie et État de droit : le temps du ré apprentissage http://www.mamadoukonate.com/2025/04/16/jeunesse-democratie-et-etat-de-droit-le-temps-du-re-apprentissage/ http://www.mamadoukonate.com/2025/04/16/jeunesse-democratie-et-etat-de-droit-le-temps-du-re-apprentissage/#respond Wed, 16 Apr 2025 12:15:37 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3146 Par Mamadou Ismaila KONATE
Avocat à la Cour
Barreaux du Mali et de Paris
Ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice

Il ne faut jamais fuir la jeunesse ni éluder le débat avec elle. Encore moins lorsqu’il s’agit d’échanger avec cette frange vive, bruyante, parfois sans art, souvent confuse, mais toujours incontournable pour notre pays. Une jeunesse qualifiée trop hâtivement de « perdue » est, en réalité, en errance de repères, en quête de sens dans un monde où les certitudes se sont effondrées, où les institutions ont perdu leur prestige, et où l’avenir semble perpétuellement différé. Cette jeunesse est souvent livrée à elle-même, isolée, et devient proie facile ou première victime des tempêtes qui secouent nos sociétés.

Pourtant, elle incarne l’un des paradoxes les plus saisissants de notre époque : elle rejette ce qu’elle admire, critique ce qu’elle consomme, dénonce ce qu’elle ignore. Elle ne sait pas toujours ce qu’elle veut, ignore où elle va, ne sait ni avec qui avancer ni que faire d’elle-même ni de la vie qui lui est offerte – ou qui lui échappe.

Un rejet confus de la démocratie : entre illusion et allusion

On les entend, ces jeunes, crier leur rejet de la démocratie et, partant, de l’État de droit. Mais ce  rejet est souvent brouillon, presque caricatural. Ils confondent la démocratie avec sa version  dévoyée – une « perversion démocratique » : corrompue, inefficace, usée. Une démocratie qu’ils n’ont ni comprise, ni réellement vécue, mais qu’ils prétendent avoir « vue » à travers l’effigie de politiciens opportunistes, arborée sur des t-shirts distribués à l’occasion de campagnes électorales clientélistes. Tel député, candidat pour la énième fois, a financé un tournoi de football ou offert une moto au leader local de la jeunesse.

Mais dans ce qu’ils ont « vu », il y a davantage d’illusion que d’expérience, plus d’allusion que de lucidité.

Ils accusent la démocratie et l’État de droit d’être des importations occidentales, des produits étrangers imposés – notamment par la France. Pourtant, leurs référents culturels, artistiques, vestimentaires,  idéologiques – jusqu’à leurs clubs de football favoris – proviennent très souvent de ces mêmes sphères qu’ils prétendent rejeter. Le paradoxe est frappant : ils suivent des icônes occidentales sur les réseaux  sociaux, dansent sur des musiques issues des industries culturelles transatlantiques, s’habillent à l’occidentale – jeans trouéschaussures de marque, y compris, de contrefaçon, gadgets connectés. Ils sont fervents supporters du PSG, du Barça ou du Real Madrid, et rarement de l’Espérance de Tunis, du TP Mazembe, d’Al Hilal ou du CS Sfaxien. 

Ignorance des libertés, mésusage de l’État de droit

Ce qui frappe le plus, c’est que cette jeunesse ne semble pas percevoir que c’est précisément dans un État de droit qu’elle peut exprimer librement ses opinions, même les plus hostiles, comme elle le fait dans la rue, sur les places publiques ou sur les réseaux sociaux. Reine des couloirs sombres, elle agit dans l’ombre, souvent sans être vue, ni connue, ni reconnue. Elle méconnaît le sens profond des libertés dont elle use – et abuse – fréquemment à contre-emploi. Elle ignore jusqu’au principe d’égalité devant la loi, socle du constitutionnalisme moderne. Elle conteste l’autorité, sans jamais lui opposer une alternative construite. Elle invoque le « peuple », sans en définir les contours. Ainsi, un jeune de vingt ans, à peine sorti du lycée ou de la rue, se proclame « le peuple », comme s’il incarnait à lui seul la légitimité nationale.

Dans la rue, ils occupent l’espace public, bruyamment, parfois violemment, faute d’autres lieux de dialogue. À la maison, ils sont absents, effacés, engloutis par un monde virtuel, ou marginalisés par une autorité familiale en crise. Double identité souvent ignorée des parents, pour ceux qui en ont encore ou qui entretiennent un lien avec eux. À l’école, beaucoup ont déserté. Ceux qui tiennent encore, trouvent refuge dans les lieux de culte, devenus parfois les seuls espaces de structuration et de socialisation, avec les dérives dogmatiques que cela peut entraîner. À côté, il y a la prison — autre lieu d’accueil de cette jeunesse. Beaucoup y atterrissent sans en comprendre les raisons, ni en accepter la légitimité. Certains, plus radicaux, s’y convertissent en muezzins, non par foi sincère, mais par manque de perspectives.

Un désespoir transformé en colère sociale

Faute d’éducation civique, de culture politique, de repères historiques solides, cette jeunesse confond révolte et révolution, agitation et engagement. Elle applique la loi du talion dans un ordre social parallèle où la force prime sur le droit. Elle redoute l’hôpital, fuit l’école, méprise les institutions, mais réclame un avenir pour lequel elle n’est pas toujours préparée. Affaiblie par la pauvreté, les addictions, la désinformation numérique, elle s’enfonce dans un épuisement et un désenchantement inquiétants.

Et pourtant, elle ignore que dans toutes les Constitutions des pays sahéliens et d’Afrique de l’Ouest francophone – du Mali au Burkina Faso, du Niger au Tchad, de la Guinée à la Côte d’Ivoire – le coup d’État est un crime imprescriptible. Il ne s’efface jamais. Il constitue une rupture grave de l’ordre constitutionnel. C’est pourquoi les putschistes réclament toujours une amnistie : le droit les condamne, même si les armes les soutiennent.

Mais cette jeunesse répond : « cela ne m’intéresse pas ». Elle rejette la démocratie sans proposer d’alternative, sombrant dans un nihilisme politique nourri d’émotions brutes, de slogans creux, de figures autoproclamées. Elle est victime d’une manipulation algorithmique qui remplace l’éducation par l’indignation, le savoir par l’opinion, le réel par la rumeur.

« Nous ne voulons plus de ces politiciens qui ont souillé le pays », affirment ils en choeur. Sans doute ont-ils raison. Mais ils oublient qu’ils ont, souvent, accompagné cette déchéance. Et maintenant, ils proclament que l’heure des militaires est arrivée. Il faut « essayer ». Puis viendront d’autres figures, d’autres promesses. Après les képis, les chéchias. L’engrenage est connu. Ils ouvrent la voie à l’enfer, alors même qu’ils se disent horrifiés par Gaza ou d’autres tragédies humanitaires.

Un appel à la rééducation civique et politique

Que faire ? Il faut reconstruire des espaces de réapprentissage, des lieux d’ancrage dans le réel, dans la connaissance, dans l’histoire. Il faut enseigner, ou réenseigner, à cette jeunesse – au-delà du « Toto tire Nama »- que :

• la Terre est ronde,
• le ciel n’est pas une barrière mais un espace,
• la mer n’est pas un fleuve,
• Ouagadougou n’est pas la seule capitale de l’Afrique de l’Ouest,
• Mogadiscio n’est pas un mythe,
• l’ONU n’est pas l’Union africaine,
• le sport ne se résume pas au football.

Ce serait déjà un premier pas. Une brèche dans l’ignorance. Un chemin vers la reconquête du sens. Car sans base, sans repères, sans lunettes adaptées à leur époque, cette jeunesse continuera de dériver, exposée aux manipulations, à la servitude volontaire ou à la violence gratuite. Prisonnière des réseaux sociaux, elle n’en sort plus.

Conclusion : pour une pédagogie de l’espérance

Il ne s’agit pas de condamner cette jeunesse ni de la ridiculiser. Il faut la comprendre pour mieux l’armer, intellectuellement et moralement. L’avenir du continent africain dépend de la capacité de ses sociétés à retisser le lien entre générations, à réconcilier mémoire et espérance, à faire du savoir une force, et du débat une culture.

La démocratie n’est pas un prêt-à-porter importé. C’est un édifice à construire, ensemble, avec rigueur, lucidité, et une jeunesse réconciliée avec elle-même.

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Hommage à un ami http://www.mamadoukonate.com/2025/03/16/hommage-a-un-ami/ http://www.mamadoukonate.com/2025/03/16/hommage-a-un-ami/#respond Sun, 16 Mar 2025 21:56:39 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3142 Hommage éternel à un ami
Cher Nterikɛ,
Dugutigi den,
Gaspari,
Il m’était plus aisé de te voir vivre parmi nous que de te savoir parti pour
ce long voyage, vers un destin désormais tien, connu de toi seul.
Ce matin de Ramadan, après une nuit de jeûne et de prières, je me suis
éveillé sans imaginer que cette journée serait marquée par l’annonce
brutale de ton départ, loin de l’étreinte chaleureuse et aimante de ton
épouse bien-aimée, Néné, elle-même en voyage alors que toi, tu étais là, à
Bamako.
Cher Nterikɛ, Dugutigi den, je t’avais presque imaginé immortel. C’était
toi qui m’annonçais, souvent avec gravité, les décès de tant de personnes
que nous connaissions : les membres de nos familles, les voisins du
quartier, le boutiquier, la vendeuse de galettes, et bien d’autres encore.
Mais aujourd’hui, c’est toi qui entres dans cette liste que tu rapportais si
souvent avec des mots lourds de sens.
Notre rencontre remonte aux années 1970, à Badala Sema 1, ce quartier
qui a vu croiser nos chemins pour la première fois. Tes parents et ceux
d’Abdoul figuraient parmi les premiers habitants de cet endroit, qui s’est
peuplé petit à petit.
Ton père, Abdoulaye Keita, fut une personnalité respectée, chef du
quartier de Badala Sema 1. On te surnommait alors avec fierté « Dugutigi
den », ou encore « Kossilabougou », en hommage au village natal de
Kita, d’où il venait. Transporteur de profession, cet homme, à la fois
analphabète mais avide de savoir et d’éducation, tenait à ce que tu
combines école et apprentissage de son métier. Il te confiait aux
chauffeurs qu’il employait — parfois peu scrupuleux — pour s’assurer
que tu t’endurcisses au contact du travail et que tu incarnes les valeurs
qu’il affectionnait tant.
Ne disposant pas de diplômes ni d’études longues, ton vieux père avait
décidé de t’initier au métier du transport. Tu en comprenais déjà les
codes et tu te débrouillais bien lorsqu’il s’agissait de naviguer dans les
méandres de cette activité.
Un jour, persuadé que tu en avais le droit, tu t’es approprié deux pneus
usés pour les revendre à dix mille francs maliens au vieux vulcanisateur
installé entre deux ruelles du marché, près de la mosquée. Tu te voyais
déjà profiter d’un excellent week-end, mais ton père, vigilant, te
convoqua sans tarder. Ne soupçonnant rien, tu m’as demandé de
t’accompagner. J’ai accepté avec plaisir, comme à l’accoutumée. Ce jour-
là, cependant, ton père ne s’est pas beaucoup attardé sur moi. Il te lança
aussitôt : « Gaoussou, où sont mes pineus ? » À deux reprises, puis trois, il
leva les yeux et s’adressa à moi : « Konaté, dis à Gaoussou de me ramener
mes pineus. ».
En silence, je t’ai fait signe d’obtempérer. Mais la situation prit un
tournant inattendu : le vulcanisateur, qui semblait en savoir un peu sur le
droit, essaya de nous convaincre qu’il ne pouvait pas toucher à une vente
qu’il considérait comme parfaite dès lors qu’il y avait accord sur la chose
et le prix. Je l’entendais d’autant plus que c’était en écho à mes
enseignements tout frais de deuxième année d’université à Bordeaux.
Ta vie était un équilibre unique entre les exigences de tes parents et ton
amour pour ta grande fratrie. Il y avait tes sœurs, Marietou, que tu
rejoins aujourd’hui, Mamou, Dramane, entre autres, mais aussi Lala. Les
liens que tu avais entretenus avec eux étaient profonds, solides, et
remplis d’une affection indéfectible.
Quand est venu le temps de choisir une épouse, c’est ta sœur Marietou
qui t’avait présenté celle qui allait devenir ton pilier : Néné, issue de cette
grande famille Cissé. J’ai rarement connu union aussi belle et
harmonieuse que la vôtre. Vous avez construit ensemble une vie remplie
d’amour et d’enfants merveilleux, chacun à ton image. Je me souviens
encore de ta première fille, Mamy, que j’ai eu l’honneur de tenir dans mes
bras à sa naissance. Et Gafou, affectueusement surnommé « 1kg9 » par
moi-même, en souvenir de son poids de naissance. Ironie cruelle du
destin, cette joie d’un nouveau-né, survenue il y a seulement trois jours,
n’aura pu t’être offerte en tant que grand-père.
Les souvenirs à tes côtés, Gaspari, sont ineffaçables et indélébiles. Je
revois encore ces instants empreints de jeunesse dans les rues de Badala,
lorsque nous passions de grin en grin pour évoquer tour à tour le
football, les histoires familiales ou des discussions passionnées parfois
interminables. Ta mémoire prodigieuse et ton esprit rationnel brillaient
souvent dans nos échanges. Lorsqu’apparaissaient des évidences
inéluctables, tu savais pourtant céder avec une humilité remarquable.
Je me rappelle ces escapades, toi et moi sur une mobylette, traversant le
vieux pont de Bamako durant l’hivernage. Parfois, nos yeux étaient
envahis par des insectes emportés par le vent, et je soufflais de toutes
mes forces pour te soulager. Ou nos promenades à moto, de la base
aérienne jusqu’aux hauteurs de Badala ou Bamako Coura, à la quête des
musiques vibrantes qui animaient les nuits des dancings. Je te vois
encore sur la piste, chantant avec ferveur les refrains d’artistes comme
Gadji Celi, au son des gloires ivoiriennes après leur victoire à la CAN.
Cher Nterikɛ,
Dugutigi den,
Gaspari,
Toi, qui portais également le surnom affectueux d’Adjouka Gaston, nous
partagions une proximité si authentique, un respect mutuel nourri d’une
connaissance véritable l’un de l’autre.
C’est toi qui m’as initié à la conduite sur cette voiture Datsun, si prisée à
l’époque et si rare dans nos quartiers. Avec notre bande d’amis — Adama
Sissoko, Aboul Oumar Traoré, Ya Diao, Baba Noumansana, entre autres
— nous vivions des moments uniques d’insouciante camaraderie. Ton
amour du football rassemblait cette joyeuse troupe dans des discussions
tumultueuses, parfois teintées de chamailleries, mais toujours dans
l’esprit de camaraderie.
Aujourd’hui, je tente maladroitement de t’honorer, Gaspari, mais la
douleur s’ingère dans mes mots. Je suis submergé par la détresse. Les
messages affluent, les appels se multiplient, mais je n’ai pas encore la
force d’y répondre. Pas même à ma propre épouse, ni à ma mère, qui,
ignorant encore ton décès, sera profondément affectée lorsque je
trouverai le courage de le lui annoncer.
Je n’ai pas eu la force non plus d’appeler ta famille, tes proches, ni même
tes amis les plus intimes. Mais d’autres se mobilisent pour te rendre un
dernier hommage. Cheickna, Bako, Vieux Ndiaye sont là, veillant à ce que
tu sois accompagné avec dignité dans ta dernière demeure.
Je m’efforce d’accepter l’inacceptable : ta vie, aussi riche et emplie, s’est
arrêtée. Avec elle, une amitié de plus de cinquante ans se trouve scellée
dans le passé. Mais elle vivra dans ma mémoire, tout comme ton
immense bonté et ta gentillesse légendaire.
Si les rôles avaient été inversés, je sais que tu aurais ressenti une douleur
égale à celle que me cause aujourd’hui ton absence. Cette angoisse de
devoir avancer sans toi, sans nos longues conversations si précieuses, me
laisse démuni.
Gaspari, je n’ai plus la force de continuer à m’adresser à toi en tant que
disparu. Alors, pour garder un fil avec toi, je continuerai à penser et
croire que tu es encore là, vivant au fond de moi, dans nos souvenirs
partagés.
Repose en paix, mon ami.

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Cessez de troubler le sommeil des Banquiers : Réflexions sur la responsabilité bancaire dans les transactions internationales dans un contexte africain http://www.mamadoukonate.com/2025/03/14/cessez-de-troubler-le-sommeil-des-banquiers-reflexions-sur-la-responsabilite-bancaire-dans-les-transactions-internationales-dans-un-contexte-africain/ http://www.mamadoukonate.com/2025/03/14/cessez-de-troubler-le-sommeil-des-banquiers-reflexions-sur-la-responsabilite-bancaire-dans-les-transactions-internationales-dans-un-contexte-africain/#respond Thu, 13 Mar 2025 23:09:36 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3138

Par Mamadou Ismaila KONATE, avocat à la Cour, Barreaux du Mali et de Paris, arbitre, ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice

mko@jurifis.com

L’Afrique, riche de sa diversité économique et culturelle, est aujourd’hui au cœur des enjeux du commerce international et des investissements transfrontaliers. Avec la création de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf), le continent s’engage dans une dynamique d’intégration économique sans précédent, qui repose largement sur la fluidité des transactions financières et le rôle fondamental des banques. Les banques africaines, qu’elles soient locales, régionales ou filiales de groupes internationaux, jouent un rôle stratégique dans cette transformation. Elles facilitent les échanges commerciaux, financent les projets d’infrastructure et servent de pont entre les économies locales et les marchés mondiaux. Sinon, comment s’imaginer que la production de coton, d’or ou d’uranium dont sont producteurs le Burkina Faso, le Mali et le Niger se vende sur un marché autre que le leur ?

Cependant, dans ce contexte d’expansion économique, les banques africaines se retrouvent parfois au cœur de litiges liés à leur rôle d’intermédiaires financiers,   (même s’il leur arrive de prendre des risques inutiles et démesurés, pour un gain infime). Ces litiges peuvent porter sur des garanties bancaires, des crédits documentaires ou des transferts internationaux, voire à l’occasion d’intermédiation bancaire. La résolution de ces litiges soulève des questions complexes sur la responsabilité des banques dans les transactions internationales aussi bien par-devant le juge judiciaire qu’en arbitrage. Il est donc essentiel de réfléchir à la manière dont les juges, les procureurs, mais aussi les arbitres abordent ces questions, en tenant compte des spécificités juridiques et économiques du continent africain et les appréhendent surtout.

Cet article de circonstance, propose d’examiner, à chaud, la responsabilité bancaire dans un contexte africain qui englobe le Mali et les autres pays de l’UEMOA. Ces pays ont en commun une banque centrale et une monnaie unique, ce qui met en lumière le sujet des best practices ou bonnes pratiques bancaires en français et les principes juridiques qui encadrent cette activité (I). Nous analyserons les limites évidentes de cette responsabilité dans le cadre des transactions internationales et des litiges transfrontaliers (II). Cette réflexion s’appuie sur les lois et règlements en vigueur dans plusieurs pays africains, ainsi que sur la jurisprudence et les normes internationales applicables.

I. Le rôle du banquier africain : cadre juridique et bonnes pratiques bancaires

A. Le banquier africain comme acteur clé des transactions internationales

Les banques africaines, en tant qu’acteurs majeurs du système financier mondial, jouent un rôle crucial dans les transactions internationales, encore plus en afrique. Elles interviennent notamment dans l’émission de garanties bancaires, le financement du commerce extérieur (via les crédits documentaires) et la facilitation des paiements transfrontaliers et l’intermédiation. Ces opérations sont encadrées par des normes internationales, telles que les Règles et Usances Uniformes (RUU) pour les crédits documentaires et les Règles Uniformes relatives aux Garanties sur Demande (RUGD), élaborées par la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Ces normes, bien que non contraignantes juridiquement, sont largement adoptées par les banques africaines pour assurer la sécurité et la prévisibilité des transactions.

Sur le continent africain, les cadres juridiques nationaux et régionaux viennent compléter ces normes internationales. Par exemple, dans les dix-sept pays membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), le droit uniforme des affaires régit plusieurs aspects des transactions bancaires, notamment à travers l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sûretés qui n’en est pas le moindre. Ce texte établit des règles claires sur les garanties et les engagements bancaires, contribuant ainsi à harmoniser les pratiques dans l’espace OHADA.

B. La responsabilité bancaire strictement encadrée par le droit africain

La responsabilité des banques africaines est strictement encadrée par les lois nationales et régionales. En vertu des principes généraux du droit civil et commercial en vigueur dans de nombreux pays africains, la responsabilité d’une banque ne peut être engagée qu’en cas de faute prouvée. Cette faute peut résulter d’une négligence dans l’exécution des obligations contractuelles, d’une violation des normes professionnelles, d’une imprudence ou d’une fraude.

Dans le cadre des crédits documentaires, par exemple, les banques sont tenues de vérifier les documents présentés par les parties conformément aux termes du crédit qui est le cadre qui lie la banque et son client. Il est la loi des parties.

Du coup, la responsabilité de la banque ou du banquier ne peut être engagée pour des éléments échappant à leur contrôle, tels que la qualité des marchandises ou la bonne exécution du contrat commercial sous-jacent. Ce principe a été confirmé par plusieurs décisions de justice en Afrique, notamment dans l’espace OHADA, (y compris au Mali même si la jurisprudence en la matière, loin d’être homogène et harmonisée, bégaye quelque peu en fonction de la juridiction, de l’instance et des enjeux de l’affaire) où les juges ont rappelé que la banque n’est pas partie au contrat commercial principal et n’a pas à en garantir l’exécution.

De même, dans le domaine des garanties bancaires, qu’elles soient émettrices, garantes, contre garantes ou qu’elles agissent en intermédiation, les banques africaines sont protégées par le principe de l’autonomie des garanties. Ce principe général du droit bancaire stipule que la garantie bancaire est indépendante du contrat principal. Et cela, il faut que les juges l’entendent, que les parquets le comprennent et que les parties, notamment les clients des banques cessent de s’étonner quant à la signification de ce principe.

C’est en raison de sa pertinence et de son évidence que ce principe est reconnu par les RUGD et adopté dans de nombreux systèmes juridiques africains, dont celui du Mali et des pays l’UEMOA. Il limite la responsabilité de la banque aux termes stricts de la garantie, sauf en cas de fraude manifeste.

L’hypothèse de la fraude, en tant que situation exceptionnelle, constitue l’unique motif pouvant exposer un banquier à des sanctions pénales, voire à une peine d’emprisonnement en matière de transactions commerciales. Cependant, il est impératif que cette éventualité soit traitée avec la plus grande prudence par le juge, afin d’éviter toute interprétation abusive ou malveillante. Si la fraude est envisagée, il convient de distinguer clairement la responsabilité individuelle du banquier, en tant que salarié ou mandataire, de celle de l’institution bancaire qu’il sert, laquelle opère dans un secteur strictement encadré et régulé. En cas de faute, c’est donc l’institution qui doit répondre en premier lieu, bénéficiant d’une obligation légale de couverture des risques professionnels liés aux opérations bancaires. Cela n’exclut pas pour autant un recours éventuel de la banque contre son employé ou mandataire, au travers d’une action récursoire. Néanmoins, dans l’intérêt de la justice et sans encourager une quelconque impunité, il est fondamental de préserver la personne du banquier de sanctions excessives ou injustifiées, en veillant à une appréciation lucide et équitable des faits.

II. Les limites de la responsabilité bancaire dans le commerce international africain

A. Les défis spécifiques des transactions internationales en Afrique

Les transactions internationales en Afrique sont souvent marquées par une complexité accrue, due à des facteurs tels que la diversité des systèmes juridiques, les différences linguistiques et culturelles, et la faiblesse des infrastructures financières dans certains pays. L’indice de risque de fraude n’est pas négligeable non plus.

Ces défis peuvent donner lieu à des malentendus ou à des litiges impliquant les banques.

Prenons l’exemple d’une banque basée au Sénégal, émettant une garantie bancaire pour une entreprise ivoirienne dans le cadre d’un projet de construction au Mali, avec une contre-garantie émise par une banque marocaine. Si le projet échoue en raison de problèmes politiques ou économiques, la responsabilité de la banque sénégalaise pourrait être mise en cause. Cependant, pour engager cette responsabilité, il faudrait prouver que la banque a commis une faute caractérisée, par exemple en émettant une garantie sans s’assurer de la capacité financière de l’entreprise ivoirienne.

Dans un autre exemple, une banque éthiopienne pourrait être accusée de négligence si elle accepte des documents falsifiés dans le cadre d’un crédit documentaire. Cependant, conformément aux RUU, la banque n’est tenue de vérifier que la conformité apparente des documents, et non leur authenticité. Cette distinction est essentielle pour protéger les banques contre des réclamations abusives.

Dans cet exemple complexe, l’intervention d’une banque de Dubaï pour garantir un marché de construction au Soudan illustre les interactions internationales souvent nécessaires pour encadrer des projets d’envergure. En mobilisant différents correspondants, notamment à Londres et au Rwanda, pour transmettre via Swift et confirmer l’authenticité des garanties émises, la chaîne bancaire joue un rôle crucial dans la sécurisation des transactions. Cependant, la liquidation judiciaire de l’entreprise émettrice de la garantie soulève des questions sur la validité de cette dernière et sur la responsabilité des intermédiaires bancaires. Bien qu’il soit légitime de chercher la responsabilité de la banque notificatrice dans un État de droit, celle-ci ne peut être engagée qu’en cas de faute avérée, comme une fraude ou une collusion avec l’entreprise émettrice. Ces conditions mettent en lumière la rigueur nécessaire dans la gestion des garanties bancaires internationales, tout en rappelant que les cas de responsabilité établie des banques restent relativement rares, témoignant souvent d’une vigilance accrue dans ce domaine.

B. La jurisprudence africaine sur la responsabilité bancaire

La jurisprudence africaine a progressivement clarifié les contours de la responsabilité bancaire dans les transactions internationales. Dans plusieurs affaires, les juges ont rappelé que la banque agit comme un intermédiaire neutre et que sa responsabilité ne peut être engagée que si elle a manqué à ses obligations professionnelles ou contractuelles.

Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA, la responsabilité d’une banque camerounaise a été écartée au motif qu’elle avait respecté les termes du crédit documentaire et les normes professionnelles en vigueur. La cour a souligné que la banque n’avait pas à vérifier la qualité des marchandises ou la solvabilité des parties au contrat commercial.

De même, dans une affaire impliquant une banque sud-africaine, les juges ont confirmé que la banque ne pouvait être tenue responsable des pertes subies par une entreprise exportatrice en raison de la défaillance de son partenaire commercial, dès lors que la banque avait respecté les termes de la garantie bancaire.

Conclusion

 Les banques africaines occupent une place stratégique dans le développement économique du continent, en assurant la fluidité des transactions financières et en inspirant confiance aux acteurs économiques. Toutefois, leur rôle de tiers de confiance nécessite un cadre juridique clair et stable, adapté aux réalités africaines et respectueux des normes internationales, telles que celles de l’OHADA. Les juges et procureurs, garants de la justice, doivent s’efforcer de trouver un juste équilibre entre la protection des droits des parties et la préservation de « l’ordre public bancaire », évitant ainsi une judiciarisation excessive qui pourrait entraver l’initiative économique et miner la confiance dans le système bancaire. Le respect des bonnes pratiques, couplé à une approche mesurée des litiges, est essentiel pour consolider un environnement propice à la croissance économique. En effet, la crédibilité des banques repose sur leur stabilité et leur capacité à répondre efficacement aux attentes des clients. Une mise en cause abusive ou disproportionnée, telle qu’une garde à vue ou un mandat de dépôt, pourrait nuire durablement à leur réputation et compromettre leur rôle clé dans la société. Il est donc crucial que les institutions judiciaires, en collaboration avec les pouvoirs publics, contribuent à renforcer la sécurité et la prévisibilité du cadre bancaire, pour permettre aux banques de continuer à soutenir le développement économique africain dans un climat de confiance et de sérénité.

 

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Cet enfant buffle se relèvera un jour et marchera vers le Sénégal et l’Afrique… http://www.mamadoukonate.com/2025/01/07/cet-enfant-buffle-se-relevera-un-jour-et-marchera-vers-le-senegal-et-lafrique/ http://www.mamadoukonate.com/2025/01/07/cet-enfant-buffle-se-relevera-un-jour-et-marchera-vers-le-senegal-et-lafrique/#respond Tue, 07 Jan 2025 22:00:33 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3125 Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, qu’on le déteste ou non, qu’il soit de votre camp ou d’ailleurs, que vous partagiez ses idées ou non, Ousmane SONKO aura été cette épine mal placée quelque part dans le corps du système politique sénégalais d’hier à aujourd’hui.
Saddam Hussein n’avait-il pas prédit aux États-Unis qu’ils récolteraient les épines que leurs dirigeants ont plantées dans le monde ?

Au-delà du Sénégal, Ousmane SONKO aura retenu l’attention de nombreux citoyens africains, en CEDEAO, en CEMAC et plus loin, partout en Afrique et sans doute au-delà.

Il aura, par ses faits, ses gestes, ses attitudes et son comportement, toujours plein de fougue et d’éclats, au-delà des limites et jusqu’aux extrêmes quand il le fallait, agi ainsi.

Il a dénoncé le mal, pointé le vol d’où qu’il provienne, vilipendé la fraude, la triche.

Chaque fois qu’un mauvais geste se faisait au détriment de la collectivité et de l’intérêt général, il l’a dit, souvent brutalement et bruyamment. Par ses prises de position vigoureuses, sa capacité à dénoncer en pointant du doigt le probable coupable du délit, au prix de tout et absolument tout, il s’est mis en danger, souvent en danger de mort. Ici comme là-bas, une telle manière de faire et d’agir vous met à dos la « nomenklatura » et ses sbires.

Aucun geste n’est de trop pour tuer. Aucune action contre le camp ne passe sans contrepartie. Tous les coups sont permis pour repousser l’intrus, l’intimider, l’éliminer, y compris physiquement.

L’armada judiciaire est la base, et c’est à partir d’elle que le signal de la mobilisation est donné. La justice ici est aussi l’alibi des gens de la «nomenklatura » qui veulent se donner des allures de gens précautionneux de l’État de droit. On installe le juge à l’avance, nouvellement affecté sur son piédestal, dans la zone du conflit judiciaire, en calculant bien les paramètres de sa compétence. Et le dossier lui est mis sous le pied, à lui de le dérouler jusqu’au bout. Le pire est qu’il fait semblant de se prendre pour le juge, mais il juge le jour et, à la fin de l’audience, il rejoint la plèbe, le petit soir, nuitamment, pour prendre les dernières consignes judiciaires.

Et la suite est connue. Comment une banale affaire de présumé viol arrive-t-elle à embastiller toute une carrière politique, broyer un homme, un enfant buffle et l’écarter de tout. En  embuscade, du monde et beaucoup de monde, dont un ministre en exercice, plutôt déterminé à laver son linge sale en même temps que son honneur, son orgueil et toute sa dignité dans le cadre d’une procédure en diffamation, consécutive, il est vrai, à une prise de parole imprudente. Ne nous dit-on pas dans la Bible qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler ?

Néanmoins, la diffamation, une procédure tout aussi banale que la première entreprise contre lui. À son encontre, les procédures se déroulent toutes, les unes après les autres, montées de fines mais dures mains de procéduriers orfèvres, téléguidées et remorquées pour amener le colis jusqu’à la haute juridiction pour l’estocade.

Qu’ils y arrivent est un fait. Mais l’enfant buffle leur en a fait voir de toutes les couleurs. Il aura tout de même contribué à changer la figure de la politique et à modifier complètement la manière de faire la politique. À tort ou à raison, ses méthodes, ses manières de faire et d’agir auront contribué à changer le visage politique, mais également la politique au Sénégal et en Afrique. Plus jamais on n’accaparera la part de tous, au profit d’un ou de quelques-uns au Sénégal mais aussi en Afrique désormais. Plus aucun acte de gouvernement ne peut être pris en catimini, à l’insu de tous, par quelques-uns contre plusieurs autres. Une conscience citoyenne est désormais née. Elle sait ce qu’elle veut pour elle et ce qu’elle ne veut pas ou plus, et qu’elle ne laissera faire pour rien au monde. Elle sait aussi bien agir que réagir. Elle est au Sénégal mais en dehors du Sénégal.

Elle est debout et elle regarde. La machine de la « nomenklatura » est arrivée à bout de l’enfant buffle qui ne sera probablement pas ou plus candidat pour cette année. Non pas qu’il ne veuille ou qu’il ne doive pas, mais qu’on n’aura pas voulu de lui et qu’on l’aura purement et simplement écarté de la course. L’enfant buffle, par son courage à la limite du physique et du psychique, son abnégation, a fait la preuve évidente de sa volonté d’avancer, au rythme du buffle, plus qu’engagé à faire la peau de tous ceux qui se dressent sur son chemin. Il aura été stoppé net sur ce coup. Contraint et forcé de garder prison sans jamais courber l’échine un seul instant.

Comme cet autre enfant buffle, il se relèvera vite et se libérera un jour. Il sortira un jour de prison. Pendant ce temps, il sera plus aguerri, plus apte à agir. Un jour, et ce jour viendra, on fera avec lui, avec ses idées et avec ses manières de penser, de croire, de dire et de faire… et ce jour, comme cet autre enfant buffle, SOUNDIATA… PARTI DE RIEN, INFIRME, RAMPANT SUR LE SOL, INCAPABLE DE MARCHER, tu te lèveras et sortiras des geôles, pour faire valoir la justice, l’égalité et le respect de l’autre dans une société sénégalaise et africaine, juste et égale. Pitié, ne leur en veux pas parce qu’ils te craindront. Ne leur en veux pas parce qu’ils voudront fuir. Ne leur en veux pas, et pas du tout pour tout l’or du monde. Indique-leur leur place au Sénégal et en Afrique ! Disleur leur rôle et leur mission ! Traite-les en droit et avec justice ! De cette façon, tu accompliras ta mission et, comme tous les autres, tu passeras sans trépasser et tu termineras ton pouvoir assurément et dignement.

Par Mamadou Ismaïla KONATÉ, avocat à la Cour, Barreaux du Mali et de Paris, arbitre, ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice
(Texte écrit le 07 janvier 2024, sous embargo, mais partagé avec certaines personnes)

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Vœux pour 2025 http://www.mamadoukonate.com/2025/01/01/voeux-pour-2025/ http://www.mamadoukonate.com/2025/01/01/voeux-pour-2025/#respond Wed, 01 Jan 2025 11:38:04 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3109

 

 

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La preuve de la nationalité malienne…par tous moyens http://www.mamadoukonate.com/2024/02/01/la-preuve-de-la-nationalite-malienne-par-tous-moyens/ http://www.mamadoukonate.com/2024/02/01/la-preuve-de-la-nationalite-malienne-par-tous-moyens/#respond Thu, 01 Feb 2024 20:04:09 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3100 View Fullscreen
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Le retrait des Etats de l’AES de la CEDEAO : Coup de bluff ou levier de négociation ? Me Daouda BA, avocat aux Barreaux de Paris et du Mali http://www.mamadoukonate.com/2024/01/30/le-retrait-des-etats-de-laes-de-la-cedeao-coup-de-bluff-ou-levier-de-negociation-me-daouda-ba-avocat-aux-barreaux-de-paris-et-du-mali/ http://www.mamadoukonate.com/2024/01/30/le-retrait-des-etats-de-laes-de-la-cedeao-coup-de-bluff-ou-levier-de-negociation-me-daouda-ba-avocat-aux-barreaux-de-paris-et-du-mali/#respond Tue, 30 Jan 2024 00:52:08 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3095 View Fullscreen
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Incantation d’un neveu à son oncle, faut-il pleurer ta mort ou plutôt célébrer ta vie « étonnant écrivain » ? http://www.mamadoukonate.com/2023/12/05/incantation-dun-neveu-a-son-oncle-faut-il-pleurer-ta-mort-ou-plutot-celebrer-ta-vie-etonnant-ecrivain/ http://www.mamadoukonate.com/2023/12/05/incantation-dun-neveu-a-son-oncle-faut-il-pleurer-ta-mort-ou-plutot-celebrer-ta-vie-etonnant-ecrivain/#respond Tue, 05 Dec 2023 01:07:20 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3090 View Fullscreen
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Voir l’Ordonnance rendue par la Cour de Justice de l’UEMOA, suite à la saisine de l’Etat du Niger pour obtenir la suspension de la mise en œuvre des sanctions UEMOA/CEDEAO http://www.mamadoukonate.com/2023/11/18/voir-lordonnance-rendue-par-la-cour-de-justice-de-luemoa-suite-a-la-saisine-de-letat-du-niger-pour-obtenir-la-suspension-de-la-mise-en-oeuvre-des-sanctions-uemoa-cedeao/ http://www.mamadoukonate.com/2023/11/18/voir-lordonnance-rendue-par-la-cour-de-justice-de-luemoa-suite-a-la-saisine-de-letat-du-niger-pour-obtenir-la-suspension-de-la-mise-en-oeuvre-des-sanctions-uemoa-cedeao/#respond Sat, 18 Nov 2023 22:22:19 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3087 Ordonnance recours en sursis Niger contre CCEG

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BILLET D’HUMEUR : La justice malienne à la croisée des chemins http://www.mamadoukonate.com/2022/12/31/billet-dhumeur-la-justice-malienne-a-la-croisee-des-chemins/ http://www.mamadoukonate.com/2022/12/31/billet-dhumeur-la-justice-malienne-a-la-croisee-des-chemins/#respond Sat, 31 Dec 2022 13:44:36 +0000 http://www.mamadoukonate.com/?p=3068 Entre la réunion provoquée de la session spéciale de la cour d’assises de Bamako[1] qui se réunira, pour juger, et probablement condamner, les mercenaires ivoiriens d’hier, devenus militaires et ivoiriens aujourd’hui. Sans doute qu’une grâce interviendra par la suite et cela semble justifier l’accord conclu ; la saisine de la Cour constitutionnelle, passage obligé pour promulguer une loi organique visant à modifier l’âge de la retraite des membres de la Cour suprême, désormais installés, non plus dans une fonction, mais « nommés » dans le cadre d’un « mandat » de super juges, les autorités maliennes de la transition, auparavant déterminées à refonder l’État (nouveau) et rétablir l’État de droit, sous le coup de la « realpolitik », agissent comme d’autres… ni plus ni moins et dans la « combinazione ».

Comme tous les gouvernants présents et passés, il leur arrive de faire des galipettes eux aussi, de violer la loi et d’ignorer les principes… à l’insu du peuple, puisqu’ils disent souvent le contraire de ce qu’ils font et ne font plus rien comme ils le disent ou pas toujours !

Quarante-neuf, puis quarante-six citoyens, militaires, ivoiriens et nommés comme tels, sauf ceux-là qui les ont appelés « mercenaires », sont à l’origine du courroux de l’État du Mali, dans sa guéguerre contre la Côte d’Ivoire et son chef, le président Alassane Dramane OUATTARA. Celui-ci est soupçonné, aux yeux des Maliens au pouvoir, d’être le principal chef de l’État de la CEDEAO, à la manœuvre et à la commandite, pour prendre et faire prendre contre le Mali et sa junte les pires sanctions de l’histoire. Celles-ci ont été jugées à la fois « illégales », « illégitimes » et « inhumaines »[2]. Et les plus révoltés contre ces sanctions ne se sont pas gênés pour voir, là aussi, la main invisible d’une France à leurs yeux détestée et détestable.

Des individus non identifiés, arrivés en tenue militaire et munis d’armes et de munitions, ont atterri à l’aéroport international Modibo KEITA, Bamako, Sénou. Ils ont été interrogés dès le passage à la frontière. Suspectés, ils ont été immédiatement arrêtés et interrogés à nouveau. Ils se sont présentés comme étant en « service » dans les contingents des Nations unies, présents au Mali pour le compte de la Côte d’Ivoire.

Dans le doute, ils ont été arrêtés et gardés au Mali.

Par finir, l’État du Mali, dans le tumulte et le désarroi, en a fait son cheval de bataille. Il en a profité pour véritablement régler et/ou solder ses comptes de l’époque de l’embargo, un triste souvenir.

On a dit de ces individus qu’ils étaient malfaisants et qu’ils avaient l’intention de s’en prendre au Mali et à son régime de transition, ainsi qu’à ses autorités, dans le dessein cynique de « briser la dynamique de la Refondation et de la sécurisation du Mali ». L’attentat sordide qu’ils avaient projeté a été déjoué, grâce au « professionnalisme des Forces de défense et de sécurité maliennes ».

Suivant un communiqué du parquet près le tribunal de grande instance en Commune VI du District de Bamako, les militaires ivoiriens, mercenaires, ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt. Les faits qui leur sont reprochés sont extrêmement graves : « crimes d’association de malfaiteurs, d’attentat et complot contre le gouvernement, d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État, de détention, port et transport d’armes de guerre et de complicité de ces crimes ».

Les infractions étaient suffisamment graves et caractérisées pour que rien, et absolument rien d’autre que la justice ne puisse se saisir de cette affaire. Elle a été invitée à entrer en scène et elle est entrée en scène, avec ses mots, ses méthodes, ses hommes et ses manières de faire. Or, la justice est le pire remède à ce genre d’affaires, qui débutent à grands coups d’éclat pour se tasser comme si rien ne s’était passé.

La diplomatie, que l’on a tuée au départ pour laisser place à l’invective et aux diatribes byzantines, est celle qui intervient pour clore l’incident. Elle est en définitive l’instrument idéal et le plus adapté pour mettre un terme à la « guéguerre ».

Elle est intervenue et a pris le pas sur la justice.

Par finir, c’est le politico-militaire qui intervient pour dicter à la justice ce qu’il y a lieu de faire. Le dossier est envoyé en instruction, par-devant « la justice militaire ». L’affaire est « enrôlée » et renvoyée « à un jugement spécial », « sans audience publique ».

Sans aucun doute, la diplomatie aura été plus efficace, dans cette affaire, que la justice. Sans doute s’est-on enfin rendu compte du poids politique, mais aussi économique, d’un voisin dont on avait sous-estimé la capacité de nuisance à tout va. Sans doute que l’ultimatum de la prise de sanctions par la CEDEAO, que l’on ne cesse pourtant de clouer tous les jours au pilori, y a été pour quelque chose. Sans doute devrait-on regarder, non plus seulement le nombril, mais les intérêts du Mali et des Maliens. Sans doute qu’en matière de gouvernance, il faut s’éloigner du populisme et avancer vers le réalisme. Sans doute que ce pays a besoin en ce moment de plus de calme et de sérénité pour que les gens vivent. Sans doute que la justice et ses acteurs devraient reprendre la main en prenant conscience que son instrumentalisation, ici et ailleurs, est plus nocive que tout à l’État de droit. Sans doute qu’est advenu le temps de regarder, de se regarder, de nous regarder et de nous dire les choses comme il se doit. Sans doute qu’il faut se rendre compte que ce pays est nôtre. Sans doute qu’il faut se dire que tous, autant que l’on soit, comptent dans ce pays et que tous se valent dans ce pays et pour ce pays. Sans doute que nous sommes tous des fils et des filles de ce pays, chacun dans sa laideur et sa beauté, tous avec nos intelligences, nos limites et nos lacunes absolues.

C’est tout cela et tous ceux-là qui font un pays.

Cessons ! Arrêtons ! Résignons-nous !

En fin de compte, que dois-je retenir de l’attitude des autorités de la transition ? J’avais fait partie de leurs milliers de soutiens de jadis, comme ils aiment se le dire et apprécient d’entendre se le conter, très souvent, pour justifier d’une légitimité à la fois inégalée et jamais érodée. Ils ont dit tant de mal de ces militaires ivoiriens, tant de mal de la Côte d’Ivoire, tant de mal de la CEDEAO et de ses dirigeants, vendus à la France et à Macron, tous déterminés et en totale collusion pour déstabiliser une transition et ses dirigeants…

Ces dirigeants de la transition malienne appuient aujourd’hui, et fortement, la démarche ivoirienne de récupération de leurs militaires, mercenaires hier. Ceux-ci comparaîtront dans un « procès-spectacle », tout monté, juste pour obtenir des tickets Bamako-Abidjan, pour le bonheur et la liberté des voyous d’hier, pour aller fêter le nouvel an chez eux, puisqu’ils auront passé Noël au « gnouf ». Mercenaires et étrangers hier, ils seront froqués du statut de militaires et ivoiriens, ils partiront de Bamako en bagnards, arriveront demain en héros à Abidjan.

Les mercenaires seront néanmoins et malgré tout jugés par-devant la Cour d’assises spécialement réunie. Ils seront condamnés à vingt ans de réclusion criminelle et deux millions de F.CFA d’amendes pour les quarante-six (46) militaires encore détenus et, à la peine de mort, par contumace, pour les trois (3) militaires ayant auparavant bénéficié d’une liberté provisoire. Pas d’inquiétudes cependant pour eux puisqu’il y a un « deal ». Les condamnés pourraient probablement être graciés ce 31 décembre 2022, dans un élan de mansuétude, doublée de magnanimité, à l’occasion de sa prise de parole, le  chef de l’État du Mali, lors de la présentation des vœux pourrait les gracier.

Le tour sera joué !

La justice aura servi à ça au moins, pour régler des comptes et lesquels comptes !

Et si c’était tout ce qu’il fallait dire ou retenir au sujet de la justice au Mali, en régime de transition ? Non ! Il y a à dire et à redire au sujet de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle sous le N° 2022-03, le 27 décembre 2022.

Saisie par le gouvernement de transition de l’examen d’une loi organique, concernant entre autres la retraite des magistrats de la Cour suprême que l’exécutif souhaite « entorser », pour des motivations largement contestables. Les syndicats de magistrats se sont ligués contre, sans grande réussite. On attend encore leurs réactions et celles d’indignation des hommes de droit et de justice, qui sont encore épris de paix et de respect de la légalité.

Le principe est que le statut des magistrats fixe l’âge de leur départ à la retraite à soixante-cinq (65) ans.

Le gouvernement, par une curieuse démarche, a entrepris d’y déroger, notamment pour ce qui concerne, non pas tous les magistrats, mais exclusivement ceux qui sont en fonction à la Cour suprême, la plus haute juridiction malienne. La situation de ces magistrats est régie par une loi organique[3], en application des dispositions constitutionnelles[4].

En tant que loi organique, le processus législatif la concernant la soumet à  l’appréciation de la Cour constitutionnelle, pour lui assurer une conformité à la Constitution.

Comme toutes les lois organiques, son contenu est examiné non seulement à la lumière des textes de la Constitution, tant que celles-ci ne dérogent pas négativement à la Charte de la transition, y compris révisée, mais aussi, à l’aune des principes généraux du droit, du bloc de constitutionnalité et de la jurisprudence éventuelle de la Cour constitutionnelle.

Les circonstances de la saisine de la Cour constitutionnelle sont les suivantes :

  • La loi qui régit la situation des magistrats de la Cour suprême prévoit, entre autres causes de cessation de leurs fonctions, la retraite;

  • L’âge de cette retraite est fixé pour les magistrats à soixante-cinq (65) ans révolus, c’est aussi le cas, d’ailleurs, pour les fonctionnaires en général, tous ceux qui sont des cadres de la catégorie A de la fonction publique ;

  • Le gouvernement a entrepris de modifier cette loi, notamment son article 8, non pas au profit de tous les magistrats, mais exclusivement pour ceux qui sont membres de la Cour suprême. Il justifie sa démarche en indiquant que la Cour suprême est la plus haute juridiction qui incarne « le pouvoir judiciaire », en omettant d’ailleurs de mentionner sur ce plan, au nombre des autres juridictions, les Cours et Tribunaux[5].

  • La modification du texte de l’article 8 visait à extraire le critère de l’âge de la retraite comme cause de cessation des fonctions des membres de la Cour suprême. Pour le gouvernement, les membres de la Cour suprême échapperaient à la retraite à soixante-cinq (65) ans et pourraient être maintenus en fonction au-delà, la fonction de juge s’effaçant au profit du « mandat » de juge.

Dans son arrêt aux allures d’arrêt de principe, la Cour constitutionnelle n’y est pas allée de main morte. Elle a rappelé au gouvernement la réalité des principes juridiques de base qui sont à observer en définitive en matière de prise d’actes de gouvernement.

Ils sont les suivants :

  • Contrairement au motif avancé par le gouvernement, la Cour constitutionnelle lui rappelle que tous les membres de la Cour suprême ne sont pas des magistrats professionnels. Elle cite notamment le cas des membres de la Section des comptes, qui proviennent de tous les corps de métier de l’administration publique. En tant que membres de la Cour suprême, en fonction à la Section des comptes, ceux-là sont en position de détachement. Malgré ce statut et cette qualité, ils restent et demeurent néanmoins régis par leurs propres statuts initiaux, et nulle dérogation de la loi ne pourrait leur permettre d’y échapper.

  • La Cour constitutionnelle rappelle également que le statut de la fonction publique prévoit que la cessation des fonctions est acquise, entre autres, par la retraite et que nul ne peut y déroger et/ou y échapper.

  • La Cour constitutionnelle rappelle de manière presque comminatoire au gouvernement qu’il ne saurait emprunter une quelconque voie détournée, comme le « mandat »[6] de juge en lieu et place de la « fonction » de juge, pour contourner des règles pourtant impératives qui fixent précisément les modalités de cessation des fonctions de juge par la retraite.

  • La Cour constitutionnelle déclare « absolument impossible » le contournement de la loi opéré par le gouvernement, faisant notamment fi des « restrictions statutaires » qui doivent être les seules références législatives, pour envisager la cessation ou le prolongement de la « fonction » de magistrat, qui est loin d’être un « mandat »[7], y compris pour les magistrats de la Cour suprême.

L’examen de la Cour constitutionnelle, sur le plan de la démarche adoptée, n’est pas sans reproches. En effet, la juridiction constitutionnelle s’est volontairement abstenue de procéder à un examen complet et plus en profondeur de la loi, ce qui est un véritable déni. Elle s’est contentée d’un contrôle qualité de la loi sur le plan de la légistique pour censurer en raison de ce que la loi organique empiétait le domaine de la loi ordinaire. Certes, mais pas que !

La seule saisine de la juridiction constitutionnelle entraine la dévolution de la plénitude de l’examen de la loi organique, ce, sous tous les angles et travers.

Par exemple, cette loi pouvait être examinée sous l’angle de la rupture de l’égalité de tous devant la loi.

Le principe d’égalité a d’ailleurs régulièrement été invoqué par-devant les juridictions constitutionnelles, se décline sous de multiples acceptions. Il est depuis quelque temps déjà, une norme de référence bien évidemment pour les juridictions constitutionnelles, mais aussi administratives et judiciaires, aussi bien en Europe qu’en Afrique. L’égalité consacrée par les Conventions et traités internationaux est une égalité de droit qui, comme le rappelle la doctrine « exige que toutes les personnes placées dans des situations identiques soient soumises au même régime juridique, soient traitées de la même façon, sans privilège et sans discrimination ».

En application d’une telle conception qui est dominante en droit, il n’est pas admissible qu’au milieu des dizaines de magistrats de la Cour suprême, seuls le Président et le Procureur général peuvent rester en fonction, au-delà de soixante-cinq (65) ans en raison du « mandat » « fonction » qui sera les leurs d’une part et, en raison de la stabilité bénéfique de leur présence.

La Cour constitutionnelle ne peut pas méconnaitre la règle de la plénitude juridictionnelle puisqu’elle l’a déjà rappelé dans son arrêt[8]. Cet arrêt a eu un retentissement extrêmement profond dans tout le Mali, dans la classe politique malienne de l’époque et dans les pays africains qui construisent un État de droit.

La Cour constitutionnelle proclame que, saisie sur le fondement de l’article 88 alinéa 2 de la Constitution en vue d’examiner certains articles contestés de la loi électorale, « elle se reconnaît le droit d’examiner l’ensemble des articles de la loi attaquée ». La saisine des députés concernait quelques griefs contre la loi. La Cour a cependant censuré vingt-quatre dispositions d’une loi comportant au total 190 articles.

C’est bien en application du principe de l’égalité de tous devant la loi que la loi portant nouveau projet de code électoral a été censurée par la Cour constitutionnelle. Ce texte prévoyait un scrutin mixte, majoritaire à un tour dans les circonscriptions qui ont un à trois sièges à pourvoir et proportionnel à la plus forte moyenne dans les circonscriptions de 4 sièges de députés ou plus.

C’est parce que la Cour constitutionnelle a failli à cette mission de contrôler la pleine et entière constitutionnalité de la loi, qui lui incombait pourtant, qu’elle a, sans doute et  volontairement ouvert la brèche ayant permis au gouvernement, de reprendre la balle au bond et de s’avancer plus en avant dans la violation.

Il était loisible également à la Cour constitutionnelle, pour la première fois et, par sa saisine qui lui en donnait l’opportunité, de faire le constat de la contrariété flagrante et nuisible qui résulte de la lecture des dispositions des articles 5[9] et 8 de la Loi N° 2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle.

Dans la pratique, il est arrivé que les dispositions de l’article 8 aient toujours pris le pas sur celle de l’article 5. Or, a priori, ce n’est pas tant la qualité de Président ou de Procureur général de la Cour suprême qui est déterminante pour la cessation de leurs fonctions, que leur qualité de membres de cette Cour. C’est au regard de leurs qualités de membres qu’ils sont nommés pour un mandat de cinq ans. Et c’est également sur cette base que leur âge de la retraite peut être prorogé au-delà de soixante-cinq (65) ans et dans la limite du « mandat de cinq ans ».

Or, il s’est trouvé des magistrats qui ont été nommés la dernière année de leur soixante-cinquième année et qui sont partis à la retraite à soixante-cinq ans révolus, sans jamais pouvoir invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 8 de la loi.

En l’état actuel de la loi et sur la foi de la pratique, le texte de l’article 5 de la loi paraît désuet. Le législateur a prévu d’aligner la Cour suprême sur d’autre institution juridictionnelle comme la Cour constitutionnelle elle-même, mais sans jamais que la pratique pour ce qui concerne la Cour suprême ne suive véritablement. Voilà une autre distorsion que la saisine du gouvernement constituait une opportunité pour la Cour constitutionnelle, de régler la discorde[10] et faire évoluer la loi pour l’aligner sur les standards.

Dès le jour de la publication de cet arrêt-sanction en apparence de la Cour constitutionnelle, le gouvernement, contre toute attente, s’est empressé, le même jour, de faire adopter un projet d’ordonnance modifiant la Loi n°02-054 du 16 décembre 2002, modifiée, portant statut de la Magistrature.

En support de sa démarche, le gouvernement invoque les dispositions de l’article 81 de la Constitution pour rappeler que le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutifs et législatif. Il rappelle que cette indépendance s’exerce par la Cour Suprême et les autres Cours et tribunaux. Il ajoute que la Cour suprême est la plus haute juridiction de l’État en matière judiciaire, administrative, et des comptes.

Revenant sur la cessation définitive de la fonction de membre de la Cour Suprême, qui entrainerait la perte de la qualité de membres, le gouvernement rappelle que cette situation résulte, entre autres, de l’admission à la retraite par la limite d’âge. La limite d’âge pour les magistrats étant fixée à soixante-cinq (65) ans, conformément aux dispositions de l’article 101 de la loi du 16 décembre 2002 portant statut de la magistrature.

Le gouvernement fait maladroitement allusion aux « attributions » du seul Président et Procureur général de la Cour Suprême, en ce que ces deux magistrats, au milieu de plusieurs autres, sont les seuls à contribuer « à la stabilité et à la pérennité de la gouvernance de l’Institution ». L’objet de la prise d’acte de gouvernement, en forme d’Ordonnance, ne se justifiant du point de vue du gouvernement, que pour maintenir « en fonction… ces deux hauts magistrats au-delà de la limite d’âge de 65 ans ». Ceci « s’avère une nécessité » aux yeux du gouvernement. « Le projet d’ordonnance adopté proroge » ainsi « de 3 ans l’âge de départ à la retraite des magistrats occupant les fonctions de Président et de Procureur général de la Cour Suprême ». Pour le gouvernement, « cette prorogation permettra d’assurer la relève et servira de tremplin pour imprimer une dynamique cohérente à la jurisprudence de la Cour Suprême à travers l’expérience des magistrats concernés ».

La loi n’est plus la règle générale et impersonnelle, elle est au service d’un intérêt particulier à satisfaire.

À voir la détermination et la façon d’insister du gouvernement pour, d’une part, juger les mercenaires ivoiriens qu’il faut sauver par tous les moyens, et ce avant le 1er janvier 2023, ultimatum annonçant les sanctions contre le Mali, et l’allure avec laquelle est adoptée l’Ordonnance de modification de l’âge de la retraite des magistrats de la Cour suprême, au seul profit du Président et du Procureur général de cette haute juridiction, on comprend jusqu’où la refondation de l’État et la restauration de l’État de droit sont en marche au Mali.

Sans doute le rappel de cet objectif combien noble de se sortir de ce Mali « ancien », « pourri », « immoral » et « amoral » est-il nécessaire, mais il reste tout aussi clair que cet objectif se poursuivra de toutes les mille autres manières, sauf par le droit, avec la loi et à l’aide de la justice.

            Avons-nous pris l’option de l’État de non-droit en lieu et place de l’État de droit dans notre pays ?

            Sans doute oui puisque la Cour constitutionnelle, de la manière la plus sommaire, a dit que l’Ordonnance qui modifie la loi sur l’âge de la retraite du Président et du Procureur général était conforme à la Constitution. Ce qui valait hier, ne vaut plus aujourd’hui et la République est sauve !

[1] Annonce faite par une dépêche de l’AFP

[2] Voir les déclarations publiques des autorités de la transition dont le Président, le Premier ministre et l’intérimaire du Premier ministre

[3] Loi N°2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle.

[4] Article 83 : La Cour Suprême comprend : une section judiciaire ; une section administrative ; une section des comptes. Une loi organique fixe son organisation, les règles de son fonctionnement ainsi que la procédure suivie devant elle.

[5] Article 81 de la Constitution du Mali : « Le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’exerce par la Cour Suprême et les autres Cours et Tribunaux. Le pouvoir judiciaire est le gardien des libertés définies par la présente Constitution. Il veille au respect des droits et libertés définis par la présente Constitution. Il est chargé d’appliquer, dans le domaine qui lui est propre, les lois de la République.

[6] Sans doute plus en application des dispositions du Statut des magistrats que de la loi sur la Cour suprême.

[7] Voir néanmoins l’article 5 de la loi sur la Cour suprême

[8] Cour constitutionnelle du Mali Arrêt N° 003, du 25 octobre 1996.

[9] Article 5 : Les membres de la Cour Suprême sont nommés par décret pris en Conseil des Ministres pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable.

Article 8 : La cessation définitive de fonction d’un membre de la Cour Suprême entraînant la perte de qualité de membre résulte :

– de la démission régulièrement acceptée ;

– de l’admission à la retraite par limite d’âge ;

– du décès ;

– d’une nouvelle affectation ;

– de l’arrivée du terme et du non renouvellement du mandat.

[10] La contradiction entre les articles 5 et 8 de la loi 2016 sur la Cour suprême résulte de ce que, d’une part,

selon les dispositions de son article 5, les membres de la Cour suprême sont nommés pour un mandat  de 5 ans, renouvelable. Ce mandat prend sa source dans le fait que la Cour suprême est une Institution de la République. Les membres des institutions sont nommés pour un mandat, sans aucune référence à leur âge de départ à la retraite comme cause de cessation de leur mandat.

Et, d’autre part, l’article 8 de la même loi impose comme condition de cessation de la qualité de membres de la Cour suprême, l’admission à la retraite, à l’âge de 65 ans. Cette disposition trouve sa source dans le statut de la magistrature qui s’applique à tous les magistrats, y compris les membres de la Cour suprême. La Cour suprême est à la fois Institution et juridiction suprême, animée par des magistrats qui sont et demeurent soumis à un statut pour ce qui est de leur carrière. D’où le dilemme créé par le législateur de 2016 qui a cru devoir associer les deux « casquettes » de la Cour suprême. C’est de cela que résulte la dichotomie : l’application du statut  pour le départ à la retraite des magistrats, y compris lorsqu’ils sont membres de la Cour suprême, en négation totale des dispositions de l’article 5 de la loi.

Par Mamadou Ismaïla KONATÉ,

anciennement Garde des Sceaux,

ministre de la Justice,

présentement avocat et arbitre

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