Me Mamadou Ismaila KONATE
GESTION ET MARKETING DU CABINET D’AVOCATS

GESTION ET MARKETING DU CABINET D’AVOCATS

Les Cabinets d’Avocats sont de nos jours soumis aux mêmes contraintes économiques que celles imposées aux entreprises de type commercial. Or, la crise économique et financière actuelle pèse lourdement sur la pratique de nombreux Avocats.

La baisse du pouvoir d’achat des particuliers, la chute de la rentabilité des clientèles institutionnelles, l’accroissement des concurrences internationales, la montée des effectifs de la profession, un marché du droit stagnant sur certains créneaux traditionnels se traduisent par une conjoncture sociologique et économique chez les Avocats.

La gestion et le marketing au sein des Cabinets d’Avocats deviennent alors une nécessité quel que soient d’ailleurs la taille du Cabinet d’Avocats, son domaine d’activité ou d’intervention, son lieu d’implantation ou d’exercice professionnel.

Ces éléments permettent pour un grand Cabinet, d’éviter des dérapages économiques, de prendre la mesure des gisements de profits dissimulés, de limiter les pertes invisibles.

Pour les Cabinets plus modestes, ils permettent sans nul doute d’éviter que des erreurs de gestion se transforment en déficits vertigineux. Ils favorisent pour ces Cabinets, la création de marges permettant d’améliorer la politique d’investissements et de rémunérations.

Le développement de la concurrence et la crise économique rendent encore plus nécessaire l’exigence d’une organisation et d’une gestion adaptée.

Déterminer le seuil de rentabilité, mettre en place une politique de tableaux de bord, définir les indices qui permettront de prendre la mesure des dérives sont les éléments clefs pour une gestion moderne et efficace.

Le but de cette formation est justement d’appréhender d’avantage ces questions.

Bien que le markéting intègre la gestion, la présentation qui suit se décline en deux temporalités.

Nous passerons en revue les éléments liés à la gestion de Cabinet (I) avant d’examiner ceux plus spécifiques en rapport au marketing (II).

I- LA GESTION DU CABINET D’AVOCATS

Défi de taille… et fort complexe, la gestion d’un cabinet d’avocats représente pour la plupart des membres de la profession qui assument cette tâche, une lourde responsabilité. Appelés à prendre des décisions capitales pouvant affecter la survie même de leur cabinet, les avocats ne reçoivent aucune formation préalable en gestion…

La qualité des hommes et du travail n’est pas suffisante si l’on veut optimiser la gestion d’un Cabinet d’Avocats.

L’organisation et la planification du travail au sein d’un Cabinet d’Avocats constituent des éléments essentiels de l’amélioration de la productivité.

L’avocat d’aujourd’hui est aussi un entrepreneur.

La gestion du Cabinet d’Avocats nécessite dès lors des outils adaptés et performants qui permettent une organisation efficace passant nécessairement par un état d’esprit, une démarche globale ainsi qu’une meilleure structuration :

Des dossiers,q
De la charge de travail,q
Du personnel,q
De la prise en charge de la clientèle,q
Des finances,q
De la facturation et du recouvrementq

I-1 L’ORGANISATION DES DOSSIERS

L’organisation des dossiers constitue la première étape dans la recherche d’une gestion efficace du Cabinet d’Avocats, de sorte qu’il est impératif pour atteindre cet objectif, d’optimiser :

– L’ouverture du dossier par une identification simple et cohérente,
– Le classement des pièces du dossier par la création de côtes et sous côtes,
– La circulation du dossiers par son affectation à un responsable chargé de son suivi ,
– L’archivage du dossier.

Cette organisation est de plus en plus possible par voie électronique et permet une sauvegarde systématique de l’ensemble des données d’un dossier

I-2 L’ORGANISATION DE LA CHARGE DE TRAVAIL ET DU TEMPS D’INTERVENTION

Une meilleure organisation allège la charge de travail de l’Avocat.

Celle-ci passe nécessairement par l’adoption de règles de base qui consistent:

– à la nécessaire identification des compétences et expertises de l’ensemble des Avocats et Collaborateurs du Cabinet;
– à la mise en place de pôles de compétence;
– à la répartition des tâches et des dossiers en fonction des compétences;
– à la synchronisation de l’ensemble des interventions du personnel dans un dossier afin de réussir le traitement du dossier dans le temps imparti et effectivement payé par le Client, le tout pour éviter un coût de production trop élevé.

I-3 L’ORGANISATION DU PERSONNEL

L’organisation du personnel du Cabinet, tout comme leur formation (Avocats, Collaborateurs, Personnels administratifs et autres) participe à une bien meilleure gestion du Cabinet.

Une véritable gestion des Ressources Humaines peut être mise en place même dans une petite structure. Cela est d’autant plus aisé que les fonctions auront été bien définies.

Un entretien annuel d’évaluation permet d’apprécier la qualité du travail, de fixer des objectifs en matière de responsabilités à prendre, de faiblesses à travailler, de compétences à acquérir, d’attitudes à modifier. Le personnel peut présenter ses remarques, ses idées qu’il est toujours intéressant de connaître et discuter de manière formelle et en tirer éventuellement des conséquences en termes d’organisation.

Enfin et c’est presque le plus important, l’Avocat- Responsable du Cabinet doit communiquer avec son personnel, expliquer, remarquer les efforts et pas seulement les erreurs. On obtient tout avec un sourire, y compris l’impossible et la perfection, même les jours où la pression atteint son maximum.

I-4 L’ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA CLIENTELE

Une meilleure organisation du Cabinet nécessite également une gestion adéquate de la prise en charge de la clientèle. Dès lors:

– Chaque nouveau client doit être identifié par une Fiche-Client;
– Les premiers entretiens avec le client doivent toujours se faire sous la responsabilité de l’Avocat le plus expérimenté disponible;
– Les différents Avocats et Collaborateurs du Cabinet doivent prendre garde à ne pas fournir au client des informations qui pourraient s’avérer contradictoires;
– L’Avocat doit enfin se montrer raisonnablement disponible pour le suivi du dossier chaque fois que le client le sollicite.

I-5 L’ORGANISATION DES FINANCES ET DE LA COMPTABILITE

L’organisation des finances du Cabinet et de sa comptabilité est une composante essentielle de la gestion du Cabinet et de son processus de développement.

Elle permet d’assurer la stabilité budgétaire et guide les allocations des ressources pour répondre aux priorités dans les dépenses du Cabinet (loyer, eau, électricité, salaire du personnel, rétrocession d’honoraires, formation, documentation et autres prestations de service).

L’organisation des finances et de la comptabilité pourrait nécessitée l’intervention d’un comptable généralement plus apte à déceler les difficultés et donner une image fidèle des comptes du Cabinet, seule gage d’une cohérence entre les encaissements (honoraires et autres frais liés aux procédures) et les dépenses effectuées.

I-6 L’ORGANISATION DE LA FACTURATION ET DU RECOUVREMENT

L’émission des factures, leur mise en paiement et leur recouvrement sont des tâches encore peu maîtrisés par de nombreux Cabinets d’Avocats.

Le Cabinet d’Avocats doit pouvoir maîtriser sa facturation. La facturation d’un client ne se fait pas au hasard, elle est en général fonction de la nature de l’affaire, de sa complexité et de la qualité des intervenants appelés à intervenir.

Le Cabinet d’Avocats doit mettre en place des mécanismes fiables et souples devant lui permettre de recouvrer l’ensemble de ses créances.

C’est très souvent qu’une anarchie dans la facturation a pour effet immédiat une difficulté réelle dans le recouvrement, toute chose qui expose le Cabinet à une désorganisation en ce qu’il sort pour la plupart du temps de son budget initial.

II- LE MARKETING DU CABINET D’AVOCATS

D’après Laurent MARLIER, le markéting de l’Avocat est un système global de pensée, d’analyse et d’action qui fait de la satisfaction de l’intérêt public l’objectif fondamental de toute l’activité du Cabinet.

L’Avocat est un prestataire de services et son marketing doit être orienté dans le cadre de sa mission publique vers les clients. Il ne s’agit pas de maximiser la consommation de services juridiques offerts mais de maximiser la satisfaction de la clientèle de services juridiques.

Aujourd’hui, la plupart des Cabinets d’Avocats en Afrique fonctionnent au jour le jour sans la moindre vision stratégique, sans la moindre notion quantifiable de ce qu’ils seront dans trois ans, cinq ou sept ans, c’est-à-dire sans « business plan » et sans budget.

La gestion du Cabinet moderne est un cocktail qui allie déontologie et compétitivité, délicatesse et performance.

Le Cabinet d’Avocats a des impératifs de rentabilité mais également des exigences de compétence et de moralité inséparables du contexte séculaire de la profession d’Avocat.

La profession d’Avocat nécessite un contact assez personnel avec le client, ce qui implique des stratégies de marketing particulières.

Mieux, les produits juridico-judiciaires ne sont pas des produits de masse, de sorte que, c’est souvent au cas par cas que le ministère de l’Avocat est mené à travers une relation bien individualisée avec le client.

Par ailleurs, l’activité de l’Avocat est bicéphale, incluant le juridique et le judiciaire.

Aussi, au-delà des principes qui régissent le markéting classique des autres activités, celui appliqué au Cabinet d’Avocats est entaché de particularismes liés notamment:

à l’élaboration d’une planification stratégique,q
aux mutations socio-économiques actuelles,q
au service rendu,q
au prix,q
à la distribution et,q
à une politique de communication.q

Si les deux premiers aspects ressortent directement du markéting stratégique (outil de base visant la planification des objectifs), les autres relèvent du markéting opérationnel qui n’est rien d’autre qu’un catalogue d’instruments permettant la mise en place et la réalisation du markéting stratégique.

II-1 LA PLANIFICATION STRATEGIQUE

L’idée ici est de préciser que la base de tout projet ou entreprise est la planification. Or, nombreux sont encore les Cabinets qui fonctionnent sans plan d’action aucun.
La planification consiste à appréhender à la fois:

la réalité interne du Cabinet (ses activités, son histoire, ses forces et faiblesses, son système de valeur, son image, ses ambitions…) et,ü
le contexte dans lequel il se situe (environnement économique, politique, social, volet concurrence, évolution technologique, opportunités).ü
L’utilité de la planification est de permettre à l’Avocat de savoir ce qu’il fait, où il va et comment il s’y rend.

Il est donc impératif de déterminer:

– les missions du Cabinet,
– les contraintes du Cabinet,
– les objectifs du Cabinet,
– les services rentables du Cabinet,
– la clientèle du Cabinet,
– les stratégies du Cabinet et,
– les actions nécessaires à mettre en place pour les réaliser.

II-2 ANTICIPER LES MUTATIONS SOCIO-ECONOMIQUES

Suite aux récentes mutations socio-économiques, le métier d’Avocat a lui-même subit des modifications parfois profondes, le champ d’activité (juridique et judiciaire) s’élargissant pour être complété par de nouvelles activités collatérale sinon carrément extra-judiciaires ou extra-juridiques.

Le métier d’Avocats s’entend désormais, également du lobbying, du journalisme, de la représentation aux négociations, de l’enseignement, de la médiation, de la conciliation, de l’arbitrage, de la veille juridique, l’audit juridique ou encore de l’ingénierie juridique pour ne citer que ceux là.

L’ensemble de ces évolutions doivent être prise en compte par le Cabinet d’Avocat dans sa démarche de markéting car lui permettant d’avoir connaissance de pures opportunités qui s’offrent à lui en tirant parti des mutations socio-économiques et de l’environnement.

II-3 LA PRESTATION : « le service juridique »

La notion fondamentale du markéting du Cabinet d’Avocat est le service juridique rendu qui est également le noyau du Cabinet.

Les consommateurs de service juridique sont de plus en plus exigeants avec les prestataires de droit.

Le Cabinet d’Avocats se doit donc d’adapter son produit à la cible qu’il désire conquérir ou satisfaire (il ne sert à rien de proposer un service de conseil sur internet si la clientèle visé n’a pas accès à cet outil).

Il est assez important de bien connaître sa clientèle ou celle que l’on souhaite conquérir tant il y va de la crédibilité de l’Avocat comme de sa notoriété.

II-4 LE PRIX DU SERVICE JURIDIQUE: « Les honoraires »

En termes simplifiés, « l’Avocat vend son temps » de sorte qu’il serait le produit et le temps, son capital.

Pour une cohérence dans la politique globale de markéting du Cabinet:

il faut pratiquer la transparence sur ses honoraires,ü
il faut éviter que le client ou une de ses connaissances ne reçoivent deux notes d’honoraires différentes pour un service identique,ü
il faut user de beaucoup de tact et de diplomatie s’agissant des notes de frais,ü

II-5 LA DISTRIBUTION

Il faut entendre par distribution une méthode de fonctionnement du Cabinet permettant d’optimiser la vente des services juridiques en passant par différents stade d’organisation du Cabinet et qui consiste à mettre l’accent sur :

l’accueil des clients,ü
l’entretien du Cabinet,ü
le respect des horaires d’ouverture,ü
la mise en place et l’usage d’outil de gestion,ü
le suivi de la clientèle,ü
la maîtrise des langues étrangères,ü
le respect du secret professionnel,ü
l’accueil téléphonique,ü
l’accessibilité des locaux,ü
la tenue de la salle d’attente,ü
la disponibilité des Avocats et Collaborateurs,ü
le matériel informatique et de télécommunication (possibilité de conference call, meeting video),ü
le CV des membres du Cabinet.ü

II-6 LA COMMUNICATION

Le but de la communication est de faire savoir et valoir les prestations et produits du Cabinet.

Plusieurs moyens sont à la disposition du Cabinet d’Avocats pour réussir sa politique de communication:

la publicité (strictement encadrée par la loi),ü
les relations publiques ( voir par ex la question du nom du Cabinet, de la corporate identity, du logo, de la marque, des cartes de visite),ü
le networking , réseau, groupe d’Avocats et le milieu associatif (avec le référencement),ü
Internet (avec les sites et les blogs)ü
les médias et la presse,ü
les congrès, colloques, conférences et séminaires,ü
le sponsoring et le mécénat,ü
le bâtonnat,ü
la carrière politiqueü

Bérenger Y. MEUKE, Mamadou Ismaiala KONATE

http://meuke.blogspot.com/2010/06/gestion-et-marketing-du-cabinet.html

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