Il est curieux que l’allure à laquelle la maladie frappe le monde, et avec autant de violence, n’ait pas éveillé la curiosité des journalistes maliens,
J’ai été curieux de savoir, depuis le début de la propagation de cette maladie, comment la pandémie était perçue et traitée par la presse malienne. À la lecture des premiers papiers de presse qui me sont tombés sous la main, en entendant les chroniques dans les radios et en voyant les émissions sur les chaines de télévision, j’ai constaté que le prisme de traitement était essentiellement alimenté par les papiers et dépêches venant de l’étranger et de la presse étrangère. Cela peut se comprendre, sans aucun doute, notamment au regard de la complexité de cette maladie et de sa progression foudroyante, dans son dessein mortel de décimer l’humanité.
De Chine en Corée, en passant par l’Italie, l’Espagne, jusqu’à la France et en Afrique, la maladie a fait des ravages et continue encore, au point de réveiller la curiosité des êtres humains, a fortiori les journalistes. Les journalistes sont ceux-là qui ont la charge, bien évidemment, d’informer l’opinion. Celle-ci ne pouvait pas et ne devrait pas se contenter d’entendre ou de lire ce qui est dit par la rumeur publique. Tout comme elle ne pouvait se contenter de prendre pour argent comptant tout ce que disent les autorités nationales, en charge des questions de sécurité et de santé publique. Il fallait aller au-delà et chercher à recouper les informations pour les étayer. Et c’était là la mission de la presse en général, et particulièrement des journalistes… et ce ne sont pas les sujets et les occasions qui ont manqué !
Par exemple, le gouvernement malien prétend être intervenu, il est vrai, très en amont de la crise, en réunissant en premier les ministres de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OAS) pour procéder à l’état des lieux, communiquer sur les données scientifiques, connaître les stocks, mettre en place des mesures de coordination… évoquer les mesures à prendre pour préserver notre espace communautaire et les populations. Cette réunion était une formidable occasion d’enquête journalistique, pour s’enquérir de la situation dans les pays voisins par exemple. Aucune véritable démarche comme celle-ci n’a permis aux populations maliennes de savoir ce qui se passait chez leurs voisins et quels étaient leurs niveaux de préparation ou d’impréparation face au développement néfaste de la maladie.
Ensuite, le gouvernement malien s’est prévalu de ce que des mesures efficaces ont été prises pour préserver les frontières terrestres et aériennes du Mali. Le Mali est entouré de sept pays frontières. Il ne s’est pas trouvé un seul journaliste pour aller aux frontières s’assurer de la réalité de cette information et de l’efficacité des mesures prises par le gouvernement. Il en est de même des frontières aériennes, dont on sait aujourd’hui que c’est par elles que le virus est passé pour s’infiltrer et atteindre nos voisins directs, tous infestés aujourd’hui, à des degrés divers il est vrai.
Cette même curiosité est restée à l’état de latence chez les journalistes maliens, qui se sont contentés de gober les chiffres communiqués par le gouvernement ou les dépêches d’agences de presse spécialisées des Nations unies, sans aucune enquête journalistique à la clé ou à la base et sans recoupement aucun des chiffres. Qu’est-ce qui empêchait alors les journalistes maliens de mener une véritable enquête à Bamako et au-delà, à la recherche éventuelle de personnes malades du coronavirus qui auraient pu se dissimuler ou se faufiler. Ils auraient pu enquêter, simplement en se disant que des malades isolés pouvaient échapper aux statistiques officielles communiquées par les pouvoirs publics dont le satisfecit réside dans le zéro cas de coronavirus sur le territoire national.
Cette maladie se déplace sur terre, dans l’air et sur les fleuves, partout où des flux humains sont susceptibles de se déplacer, de s’installer temporairement ou définitivement. Le Mali est un grand pays, dans lequel les populations se déplacent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Toutes ces allées et venues devraient susciter la curiosité des journalistes…
Les milieux médicaux étaient aussi des lieux indiqués pour un journaliste qui aurait voulu enquêter. Ailleurs, des médecins se sont installés sur des plateaux, dans des studios de télévision et dans de grandes rédactions pour éclairer les journalistes, pour que leurs prises de parole à travers des articles ou dans des chroniques soient les plus informatifs possible pour leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs.
J’ai cessé de croire à une enquête journalistique malienne et d’espérer la voir venir lorsque j’ai entendu des propos, plutôt alarmants, du ministre malien de la Santé, restés sans ripostes. Même la teneur de ces propos n’a pas éveillé la curiosité des journalistes maliens. Par exemple, à propos de la capacité de l’État du Mali à réagir face à un accroissement de la maladie à coronavirus, le ministre Michel SIDIBE affirme que « La plupart des pays ont un problème énorme au niveau des équipements : les respirateurs, les extracteurs d’oxygène, les masques, les gels… » manquent. Le Mali ne fait pas exception et aucun journaliste ne l’avait et ne l’a relevé. Il ajoute précisément que « les tests » qui permettent de détecter une personne malade « posent un problème très sérieux » dans notre pays. Il n’existe au « maximum » que « 2.000 tests » en tout et pour tout, pour tout le Mali. Au regard de cette situation plutôt inquiétante mais qui n’a pas alerté le moindre journaliste, seul le ministre s’est lui-même inquiété en cas d’« explosion », « comme c’est arrivé en Italie ou en France »…
J’ai compris que dans ce cas, notre pays ne pourrait contenir la maladie puisqu’il serait démuni face au danger de mort.
En tout cas, aucun journaliste n’aura pris sur lui de mener une enquête, non pas pour savoir si nous allons tous mourir, mais quand et comment. Là est la faute du journaliste devant nous tous, non-journalistes.
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