Me Mamadou Ismaila KONATE

Il faut dissoudre l’Assemblée nationale malienne

A l’issue d’un week-end insurrectionnel à Bamako, dans un entretien exclusif publié par nos confrères de Dakaractu, Me Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la Justice du Mali, critique la gestion de la crise par le Président Ibrahim Boubacar Keita, la dissolution de fait de la Cour Constitutionnelle et la promesse de formation d’un gouvernement d’Union nationale. L’avocat, qui a démissionné en 2017 du gouvernement, prône un dialogue sincère et ne voit que la dissolution de l’Assemblée pour sortir de l’impasse. Extraits.

La dissolution de fait de la Cour Constitutionnelle

C’est de la forfaiture, l’acte qui a abrogé le décret de nomination des trois conseillers à la Cour constitutionnelle dont la présidente. L’acte du président de la République est un excès de pouvoir qui viole le droit. C’est exactement comme si le ministre de la Justice n’était pas content de la décision que rend un juge et qu’il décide de l’affecter ou de le sortir de la magistrature.

Quelles sont les missions de la Cour constitutionnelle du Mali ? C’est elle qui valide l’élection du Président de la République. Elle assure la régulation et le bon fonctionnement des institutions dont celle du Président de la république. Elle contrôle la légalité des actes du Président de la République au regard de la Loi constitutionnelle. Si vous donnez le pouvoir au Président de la République de nommer et en même temps de revenir sur cette nomination des juges de la Cour constitutionnelle, ça veut dire que le Président de la République peut à tout moment rapporter le décret de nomination s’il n’est pas content des juges constitutionnels. Le droit, la démocratie et l’état de droit sont en danger absolu.

Enfin, nous sommes dans des Etats qui sont fortement inspirés par la France et par Montesquieu. Et la règle de gestion et d’administration est basée sur la séparation des pouvoirs.

La formation d’un gouvernement d’union nationale

C’est la charrue avant les bœufs. Aujourd’hui, ceux qu’on appelle pour participer au gouvernement, ce sont les gens du M5. Mais que demandent-ils ces gens ? Ils disent que les élections législatives se sont déroulées dans des contextes frauduleux, que ces résultats sont inacceptables et que la violation de la loi est manifeste. Et vous leur dites d’arrêter de descendre dans la rue et de venir participer dans un gouvernement !

Ce n’est pas un gouvernement d’union nationale qui peut régler les problèmes de fond du Mali. L’élection s’est déroulée dans des conditions contestables et les gens demandent à ce qu’on respecte le droit et la loi de sorte à reprendre les élections. Et il (IBK), propose une élection partielle en disant qu’il y a quelques députés qui ont frauduleusement été élus. Comment voulez-vous, dans une assemblée de 147 personnes, trouver les 17  issus de la fraude et dire que c’est eux qui sont mal élus ? C’est une même décision de la Cour constitutionnelle qui les a tous élus et c’est cette même décision qui doit tomber.

Que faut-il faire ?

Premier point : la légitimité du Président est exposée et elle est fortement ébranlée. Le Président de la République ne peut pas (…) passer outre pour dire qu’il va exercer la plénitude de ses pouvoirs contre des gens qui se rebellent contre lui. En définitive, il faut trouver le moyen d’anéantir la Cour constitutionnelle, je ne dis pas la dissoudre mais l’anéantir. Il n’y a plus que 03 conseillers sur neuf. Elle ne réunit plus le quorum : cinq membres ont démissionné et un est décédé. On tire les conséquences de droit mais pas par le biais de l’abrogation d’un décret.

Deuxième point : l’Assemblée Nationale n’est pas légitime. Donc, il faut la dissoudre et le Président de la République en a le pouvoir.

Dissoudre l’Assemblée, nommer un Premier ministre de consensus et ouvrir une Transition

Troisième point : le Premier ministre a été nommé dans des conditions de contestation. Il faut abroger le décret de nomination du Premier ministre de manière à ce que, dans la discussion, les deux camps se mettent d’accord sur un Premier ministre. Par contre, je ne suis pas d’avis qu’il faut dépouiller le président de la République de toutes ses prérogatives. Tant qu’il est en place, il a des droits et des prérogatives. Il faut qu’il les exerce sous la vigilance accrue des gens. Cependant, on est dans un contexte où le cadre politique doit être rediscuté, le cadre institutionnel redessiné et le cadre constitutionnel précisé.

Donc l’objectif majeur durant ce temps d’attente, de transition, est véritablement de mettre en chantier la construction politique, institutionnelle et constitutionnelle du Mali, quitte à migrer vers une quatrième République. Ca durera un an, ça durera deux voire trois ans mais ça doit se faire avec le Président de la République et l’ensemble des composantes de la nation. Il faut arrêter de se mentir à travers des dialogues nationaux qui n’ont absolument aucun sens. Il faut aller vers la réalité des choses et le véritable dialogue pour remettre le Mali sur les rails. Dans cette dynamique, il faut remettre tout à plat. La justice doit fonctionner, l’Etat doit être audité, la morale et l’éthique doivent gagner l’Etat de la tête aux pieds.

Faut-il craindre une contestation islamisée?

On est tous des musulmans et pratiquons au même degré avec une petite dose de fanatisme pour ceux qui savent plus et qui veulent abrutir ceux qui en savent moins.

Comment voulez-vous faire appel à l’Imam pour venir prononcer le baptême du nouveau-né, bénir un mariage, vous accompagner à votre dernière demeure et lui demander de rester à la porte de l’Etat ? Quand un musulman exprime une opinion, on lui refuse de s’exprimer au nom de la laïcité. Pourquoi ? Et nous élite africaine occidentalisée, on est des menteurs, des voleurs et des violeurs. On a fait la preuve constante qu’on est les adeptes de la mauvaise gouvernance. Or, le religieux porte deux valeurs essentielles au moins en lui : la morale et la spiritualité. Dans la morale, on dit, dans toutes les religions écrites, tu ne tueras point, tu ne voleras point, tu ne mentiras point. Est-ce que nos gouvernants reflètent ces valeurs ?

Il faut que des valeurs et des esprits nous arrêtent contre le mal

Regardez la situation de guérilla à Bamako aujourd’hui. Il n’y a pas un seul individu qui peut faire revenir les gens à la raison. Il faut que des valeurs et des esprits nous parlent et nous arrêtent contre le mal. Je ne suis pas un thuriféraire de la religion mais je suis croyant et pratiquant et je crains Dieu. Le Mali ne peut pas être une République islamique. Je ne suis pas pour une République islamique, mais il faut qu’on prenne en compte nos valeurs intrinsèques et elles sont souvent dans la coutume, dans la religion, dans nos traditions et dans nos us.

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Mamadou Makadji

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