Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, qu’on le déteste ou non, qu’il soit de votre camp ou d’ailleurs, que vous partagiez ses idées ou non, Ousmane SONKO aura été cette épine mal placée quelque part dans le corps du système politique sénégalais d’hier à aujourd’hui.
Saddam Hussein n’avait-il pas prédit aux États-Unis qu’ils récolteraient les épines que leurs dirigeants ont plantées dans le monde ?
Au-delà du Sénégal, Ousmane SONKO aura retenu l’attention de nombreux citoyens africains, en CEDEAO, en CEMAC et plus loin, partout en Afrique et sans doute au-delà.
Il aura, par ses faits, ses gestes, ses attitudes et son comportement, toujours plein de fougue et d’éclats, au-delà des limites et jusqu’aux extrêmes quand il le fallait, agi ainsi.
Il a dénoncé le mal, pointé le vol d’où qu’il provienne, vilipendé la fraude, la triche.
Chaque fois qu’un mauvais geste se faisait au détriment de la collectivité et de l’intérêt général, il l’a dit, souvent brutalement et bruyamment. Par ses prises de position vigoureuses, sa capacité à dénoncer en pointant du doigt le probable coupable du délit, au prix de tout et absolument tout, il s’est mis en danger, souvent en danger de mort. Ici comme là-bas, une telle manière de faire et d’agir vous met à dos la « nomenklatura » et ses sbires.
Aucun geste n’est de trop pour tuer. Aucune action contre le camp ne passe sans contrepartie. Tous les coups sont permis pour repousser l’intrus, l’intimider, l’éliminer, y compris physiquement.
L’armada judiciaire est la base, et c’est à partir d’elle que le signal de la mobilisation est donné. La justice ici est aussi l’alibi des gens de la «nomenklatura » qui veulent se donner des allures de gens précautionneux de l’État de droit. On installe le juge à l’avance, nouvellement affecté sur son piédestal, dans la zone du conflit judiciaire, en calculant bien les paramètres de sa compétence. Et le dossier lui est mis sous le pied, à lui de le dérouler jusqu’au bout. Le pire est qu’il fait semblant de se prendre pour le juge, mais il juge le jour et, à la fin de l’audience, il rejoint la plèbe, le petit soir, nuitamment, pour prendre les dernières consignes judiciaires.
Et la suite est connue. Comment une banale affaire de présumé viol arrive-t-elle à embastiller toute une carrière politique, broyer un homme, un enfant buffle et l’écarter de tout. En embuscade, du monde et beaucoup de monde, dont un ministre en exercice, plutôt déterminé à laver son linge sale en même temps que son honneur, son orgueil et toute sa dignité dans le cadre d’une procédure en diffamation, consécutive, il est vrai, à une prise de parole imprudente. Ne nous dit-on pas dans la Bible qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler ?
Néanmoins, la diffamation, une procédure tout aussi banale que la première entreprise contre lui. À son encontre, les procédures se déroulent toutes, les unes après les autres, montées de fines mais dures mains de procéduriers orfèvres, téléguidées et remorquées pour amener le colis jusqu’à la haute juridiction pour l’estocade.
Qu’ils y arrivent est un fait. Mais l’enfant buffle leur en a fait voir de toutes les couleurs. Il aura tout de même contribué à changer la figure de la politique et à modifier complètement la manière de faire la politique. À tort ou à raison, ses méthodes, ses manières de faire et d’agir auront contribué à changer le visage politique, mais également la politique au Sénégal et en Afrique. Plus jamais on n’accaparera la part de tous, au profit d’un ou de quelques-uns au Sénégal mais aussi en Afrique désormais. Plus aucun acte de gouvernement ne peut être pris en catimini, à l’insu de tous, par quelques-uns contre plusieurs autres. Une conscience citoyenne est désormais née. Elle sait ce qu’elle veut pour elle et ce qu’elle ne veut pas ou plus, et qu’elle ne laissera faire pour rien au monde. Elle sait aussi bien agir que réagir. Elle est au Sénégal mais en dehors du Sénégal.
Elle est debout et elle regarde. La machine de la « nomenklatura » est arrivée à bout de l’enfant buffle qui ne sera probablement pas ou plus candidat pour cette année. Non pas qu’il ne veuille ou qu’il ne doive pas, mais qu’on n’aura pas voulu de lui et qu’on l’aura purement et simplement écarté de la course. L’enfant buffle, par son courage à la limite du physique et du psychique, son abnégation, a fait la preuve évidente de sa volonté d’avancer, au rythme du buffle, plus qu’engagé à faire la peau de tous ceux qui se dressent sur son chemin. Il aura été stoppé net sur ce coup. Contraint et forcé de garder prison sans jamais courber l’échine un seul instant.
Comme cet autre enfant buffle, il se relèvera vite et se libérera un jour. Il sortira un jour de prison. Pendant ce temps, il sera plus aguerri, plus apte à agir. Un jour, et ce jour viendra, on fera avec lui, avec ses idées et avec ses manières de penser, de croire, de dire et de faire… et ce jour, comme cet autre enfant buffle, SOUNDIATA… PARTI DE RIEN, INFIRME, RAMPANT SUR LE SOL, INCAPABLE DE MARCHER, tu te lèveras et sortiras des geôles, pour faire valoir la justice, l’égalité et le respect de l’autre dans une société sénégalaise et africaine, juste et égale. Pitié, ne leur en veux pas parce qu’ils te craindront. Ne leur en veux pas parce qu’ils voudront fuir. Ne leur en veux pas, et pas du tout pour tout l’or du monde. Indique-leur leur place au Sénégal et en Afrique ! Disleur leur rôle et leur mission ! Traite-les en droit et avec justice ! De cette façon, tu accompliras ta mission et, comme tous les autres, tu passeras sans trépasser et tu termineras ton pouvoir assurément et dignement.
Par Mamadou Ismaïla KONATÉ, avocat à la Cour, Barreaux du Mali et de Paris, arbitre, ancien garde des Sceaux, ministre de la Justice
(Texte écrit le 07 janvier 2024, sous embargo, mais partagé avec certaines personnes)
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